Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 21
Le jeudi 24 février 2022
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- La déclaration des qualifications exigées
- Régie interne, budgets et administration
- Le Budget des dépenses de 2021-2022
- L’ajournement
- Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers
- Le Code criminel
- La Charte canadienne des droits des victimes
- ParlAmericas
- Le Sénat
- Droits de la personne
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19
- La Loi sur la sécurité de la vieillesse
- L’ajournement
- Le Tarif des douanes
- Le Code criminel
- La Loi sur les compétences linguistiques
- Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Affaires étrangères et commerce international
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Les emplois de la fonction publique fédérale
LE SÉNAT
Le jeudi 24 février 2022
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour que la séance d’aujourd’hui commence avec des déclarations de sénateurs sur la situation en Ukraine d’une durée de 15 minutes, suivies des déclarations habituelles.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
[Traduction]
L’Ukraine—Les agissements de la Russie
L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je condamne aujourd’hui la Russie pour l’invasion injustifiée de l’Ukraine. Nous sommes tous horrifiés par les images qui sont parvenues d’Ukraine dans les heures qui ont suivi l’invasion. L’Ukraine est assiégée de toutes parts. Ses citoyens se terrent dans des tunnels de métro et se rassemblent et se recueillent pour prier parce qu’aucune autre option ne semble s’offrir à eux pour l’instant.
En tant que petite-fille d’immigrants ukrainiens qui ont trouvé refuge au Canada il y a 100 ans, cette invasion me bouleverse profondément. Je suis allée en Ukraine en 2014 à titre d’observatrice lors des élections présidentielles qui ont eu lieu cette année-là. J’ai été frappée par la profonde gratitude qu’exprimaient les Ukrainiens à l’égard de leur démocratie émergente et j’ai été touchée par les villageoises âgées qui apportaient des fleurs fraîches aux bureaux de scrutin pour remercier les autorités de leur donner l’occasion d’exercer leur droit démocratique de voter. Honorables sénateurs, aujourd’hui, mes pensées vont à ces Ukrainiennes du troisième âge.
Le Canada ne peut abandonner les Ukrainiens à la folie de Vladimir Poutine. Nous devons condamner de la façon la plus vigoureuse qui soit l’invasion brutale et entièrement injustifiée de l’Ukraine orchestrée par Poutine, et nous condamnons également le mépris flagrant dont Poutine fait preuve à l’égard des obligations de la Russie aux termes du droit international. Toutefois, nous ne pouvons nous contenter d’observer et de condamner les actes abominables du dictateur qu’est Poutine. Le Canada doit intervenir maintenant pour défendre la paix et la liberté en Ukraine.
Pendant des années, les autorités ukrainiennes ont imploré le Canada de leur fournir des armes défensives, mais le gouvernement Trudeau ne leur en a pas fourni. Il a seulement accepté de fournir quelques armes défensives à la veille de l’invasion. Elles ont été fournies si tard que je ne sais même pas si elles parviendront à se rendre aux soldats ukrainiens sur le terrain. Aujourd’hui, le président ukrainien Volodimir Zelenski a demandé à tous les citoyens ukrainiens en mesure de le faire de prendre les armes contre les forces de Poutine. Les retards et l’étalage de vertu du gouvernement Trudeau sont inefficaces face à une menace aussi monumentale.
Le 13 février, le premier ministre a publié le gazouillis suivant : « On va défendre avec vigueur la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. » C’était le même jour où les instructeurs canadiens en Ukraine se sont dirigés vers la frontière polonaise et où l’ambassade du Canada à Kiev a été évacuée. Qu’ont signifié toutes ces paroles et celles prononcées par d’autres dirigeants occidentaux pour le peuple ukrainien? Nous pouvons en voir les résultats aujourd’hui, et cela me brise le cœur.
Le moins que nous puissions faire, maintenant, c’est d’ouvrir nos frontières aux centaines de milliers d’Ukrainiens qui fuient leur pays. L’opposition officielle appuiera cette motion, mais j’implore le gouvernement canadien de comprendre que l’heure n’est pas aux paroles sans valeur. Il est de notre devoir moral d’agir maintenant pour aider le peuple ukrainien.
[Note de la rédaction : La sénatrice Batters s’exprime en ukrainien.]
Des voix : Bravo!
L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en éprouvant une profonde tristesse pour les citoyens ukrainiens ainsi que pour le reste du monde libre. Je suis inquiet pour les Ukrainiens, notamment pour ma famille qui vit là‑bas, comme c’est le cas de beaucoup de sénateurs et de gens dans notre pays libre et prospère.
Ce matin, j’ai examiné une carte. Elle montrait les endroits qui ont été ciblés par des attaques de missiles et des attaques aériennes : Kiev, Lviv et tout près de Ternopil. Ma famille se trouve là-bas.
Nous sommes témoins d’un acte criminel commis contre l’Ukraine. Il s’agit d’une atteinte à la primauté du droit international ainsi qu’aux valeurs de tous ceux qui vivent dans une société démocratique libre, et il faut s’y opposer. Bien que notre opposition soit tardive, elle doit être totale et percutante, et il faut agir sur‑le‑champ.
L’invasion n’est pas une surprise. Elle n’est pas le fruit de la réaction impulsive d’un esprit dérangé, mais l’aboutissement d’un subterfuge qui a pris des années à préparer, des années pendant lesquelles nous et le reste du monde libre aurions pu agir, mais ne l’avons pas fait, des années pendant lesquelles les signes étaient évidents, mais nous ne les avons pas vus ou, pire encore, nous avons choisi de ne pas les voir, ou bien nous avons encouragé ce forfait. Il n’est pas surprenant que, plus tôt cette semaine, M. Trump ait loué le génie de M. Poutine et que Fox News s’en soit pris au Canada et ait vanté les mérites de la Russie.
Malheureusement, bien des Canadiens n’ont peut-être pas conscience de la manière dont agissent les dictateurs. La Russie s’emploie depuis longtemps à déstabiliser les démocraties occidentales, y compris le Canada, souvent en s’ingérant dans les élections et en attisant le populisme et le libertarisme. Comme l’Institut Macdonald-Laurier et l’organisme DisinfoWatch l’ont signalé, pendant la pandémie, la Russie a intensifié la propagande anti-vaccin et promu les discours qui mettent en doute l’existence de la COVID, la légitimité des protocoles canadiens de santé publique et l’innocuité des vaccins. Elle a aussi incité les gens à contester les mesures sanitaires qui visent pourtant à les protéger, eux et l’ensemble de la population.
Ma famille ne connaît que trop bien ces techniques. La déstabilisation de gouvernements légitimes qui nuisent aux intérêts de la Russie a toujours été un trait caractéristique de ce régime. J’ai des liens profonds avec l’Ukraine. Mes parents étaient des réfugiés de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont vécu la tyrannie, la vraie. Ils ont tout perdu. La plupart des membres de ma famille ont été envoyés dans les goulags. Ceux qui ont survécu ont été mis au ban de la société. Certains ont réussi à se refaire une place; d’autres, non.
Honorables sénateurs, ne nous laissons pas berner par la Russie. Veillons à ce qu’elle ne déstabilise pas notre pays et ne mette pas en pièces la primauté du droit sur la scène internationale. Nous devons être solidaires de l’Ukraine et agir dès maintenant, sans plus attendre.
Comme le dit l’hymne national de l’Ukraine, la liberté de ce pays n’a pas encore disparu.
[Note de la rédaction : Le sénateur Kutcher s’exprime en ukrainien.]
Faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il en reste ainsi. Merci et d’akuju.
(1410)
Des voix : Bravo!
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous dire ce que vous savez déjà. Le monde a changé hier soir, et pas pour le mieux. L’invasion éhontée, non provoquée et injustifiée de l’Ukraine par la Russie contrevient à toutes les normes et à toutes les règles de droit international ainsi qu’aux accords déjà conclus et viole la Charte des Nations unies. Elle est contraire à tout comportement décent et civilisé et doit être condamnée de façon catégorique. Cette invasion a été méticuleusement planifiée, et les instances de la Russie visant à trouver une solution diplomatique étaient profondément cyniques et pernicieuses. Que le pays possédant le plus grand territoire du monde cherche à redessiner des frontières internationales établies et acceptées au moyen d’une guerre d’agression pour obtenir encore plus de territoire, comme la Russie l’a fait en envahissant et en annexant la Crimée en 2014, dépasse l’entendement. Cela témoigne du besoin tordu de Vladimir Poutine de réécrire l’histoire et d’une volonté expansionniste jamais vue depuis l’Allemagne d’Hitler.
Je soutiens les mesures prises par notre gouvernement et les efforts concertés des pays du G7, sous la présidence de l’Allemagne, ainsi que des partenaires de l’OTAN visant à mettre de la pression sur le régime autocratique de M. Poutine et à prendre des mesures contre celui-ci. On a beaucoup parlé de tyrans dernièrement, chers collègues. Monsieur Poutine en est un.
Mes premiers contacts avec la Russie ont eu lieu lorsque je me suis joint à notre service extérieur. C’était à l’époque de l’Union soviétique. J’ai regardé et, comme bon nombre d’autres personnes, j’ai été encouragé par la mise en place de réformes telles que la glasnost et la perestroïka; tous ces nouveaux mots que nous avons appris et qui signifiaient le changement et l’ouverture vers une société plus libre en Russie en 1989.
J’ai travaillé avec l’ancien premier ministre Jean Chrétien en vue du Sommet du G7 de 1995 à Halifax. Le président russe Boris Yeltsin avait alors été invité à participer à une réunion. C’était une importante initiative qui a éventuellement mené à la création du G8. Tout le monde avait l’impression que l’époque de l’antagonisme était chose du passé, et qu’on pouvait maintenant collaborer à de nombreux projets et initiatives.
J’ai eu l’honneur d’être le représentant personnel, ou sherpa, de l’ancien premier ministre Stephen Harper à l’occasion de ce qui est devenu le dernier Sommet du G8 à Lough Erne, en Irlande du Nord, en juin 2013. M. Harper revenait de Dublin et avait émis certains commentaires controversés au sujet de la valeur des discussions du G8 alors qu’un des membres était manifestement déphasé. Je me souviens en effet que M. Poutine dominait les discussions en matière de politique étrangère avec son point de vue particulier sur la crise en Syrie, à l’exclusion de presque tout autre sujet. Les autres leaders étaient exaspérés et l’opinion de M. Harper s’est révélée juste.
En 2014, ce fut au tour de la Russie d’être l’hôte du Sommet du G8 à Sotchi. J’ai participé à une réunion de sherpas à Moscou en janvier, puis tout a pris fin. La Russie venait d’envahir et de prendre la Crimée, puis avait mis en place des forces interposées dans la région du Donbas, en Ukraine. À la demande de M. Harper, les leaders du G7 se sont réunis en marge du Sommet sur la sécurité nucléaire à La Haye, en mars, où j’ai aussi agi à titre de sherpa, et une décision a été prise. Le G8 est redevenu le G7, travaillant ensemble pour le bien commun de la planète.
Chers collègues, la Russie est passée de paria mondial à partenaire, puis de nouveau à paria. Ses gestes sont injustifiés, inacceptables et répréhensibles.
Unissons-nous pour condamner cette scandaleuse violation de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine.
Faisons front commun et soutenons le gouvernement légitime de l’Ukraine et son peuple fort et résilient. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je suis Edmontonienne. Je commence ainsi parce que tous les habitants d’Edmonton ont des origines ukrainiennes, de près ou de loin. Comme beaucoup d’Edmontoniens, mes racines familiales sont profondément liées à l’Ukraine.
Ma mère s’appelle Oli Dyck et elle est née en Ukraine, dans une communauté mennonite allemande nommée Felsenbach, qui est située dans la province du Dnipropetrovsk. La mère de mon père s’appelait Reisa Hardashnikov et elle est née dans la communauté juive de Poltava. En raison des aléas de l’histoire, les branches juive et allemande de ma famille ont quitté l’Ukraine pour émigrer en Alberta. Ce n’est pas entièrement le fruit du hasard, car les vagues d’immigrants allemands, ukrainiens et juifs de l’Alberta étaient étroitement liées.
Aujourd’hui, quelles que soient nos racines, nous devons nous unir comme nation canadienne devant l’invasion complètement injustifiée de l’Ukraine par la Russie afin de soutenir nos amis et alliés canado-ukrainiens en cette période de terreur et d’incertitude.
Notre solidarité envers le peuple ukrainien ne doit pas se limiter à des mots — à moins qu’ils soient accompagnés d’un réel engagement, un engagement à imposer des sanctions concrètes à la Russie, un engagement que le Canada collaborera avec ses partenaires de l’OTAN et tous ses autres alliés pour envoyer un message clair au gouvernement Poutine que nous ne tolérerons pas cet acte de guerre.
Il y a des mesures que nous pouvons mettre en place ici même pour nous protéger contre les agressions plus subtiles de la Russie, notamment la campagne de propagande sophistiquée déjà visible sur Facebook et Twitter qui vise à miner notre détermination et à voiler la vérité. Nous devons résister à la propagande et à la désinformation de la Russie par l’entremise, entre autres, des chaînes RT et Fox News. Parce qu’il ne faut pas se leurrer : cette guerre ne se déroule pas seulement sur le sol ukrainien; des attaques sont aussi commises dans la blogosphère, les médias sociaux et les chaînes de télévision. Dans un monde virtuel sans frontières, le Canada, malgré la distance géographique qui le sépare de Kiev, est aussi un champ de bataille.
Nous devons nous armer de bon sens et de volonté. Comme le sénateur Boehm l’a dit, le monde a changé en une nuit. Le temps est venu d’ouvrir les yeux, d’unir nos forces et de protéger nos foyers et nos droits, non seulement ceux du Canada et de l’Ukraine, mais ceux du monde que nous aimons.
Merci, hiy hiy.
L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à titre de fière Canadienne d’origine ukrainienne de troisième génération. Mes grands-parents ont quitté l’Ouest de l’Ukraine et se sont installés au Manitoba, dans la communauté rurale de Pine Ridge, en 1909. Ma famille est donc au Canada depuis un siècle. Je n’ai plus de parenté en Ukraine, mais j’ai une solide identité ukrainienne et je chéris les liens qui me rattachent à mes amis et aux membres de ma famille, surtout dans ma ville, Winnipeg.
J’ai été absolument ravie de serrer la main du président Zelenski en 2019, lorsqu’il était ici, à Toronto, pour la Conférence sur les réformes en Ukraine.
Toujours en 2019, j’ai eu l’honneur de participer à un panel pendant le Congrès des femmes ukrainiennes tenu à Kiev. J’ai alors vu de mes propres yeux que, comme je le lisais dans les livres depuis des années, l’Ukraine était en train de devenir une société ouverte et plurielle, dans laquelle les gens pouvaient militer en faveur de changements sociaux et voter à des élections libres.
Cette nouvelle Ukraine était très différente de celle que j’avais vue lors de mon premier voyage, en 1987, pendant les jours sombres de la fin du régime soviétique.
Depuis la chute de l’Union soviétique, l’Ukraine s’est engagée sur la voie de la démocratie et d’une économie ouverte. Ce chemin a été parsemé d’une multitude de détours, de réussites et de difficultés, mais la direction à suivre est devenue plus claire et plus ferme au cours de la dernière décennie.
Vladimir Poutine déteste cette vision occidentale. Son objectif : détruire cette nouvelle Ukraine et la replonger dans les jours sombres d’un régime autoritaire.
La Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine aujourd’hui, et l’histoire du monde a changé. Il y a maintenant un monde avant le 24 février 2022 et un monde après le 24 février 2022. La paix qui régnait auparavant en Europe est maintenant terminée.
Cette invasion menace l’ordre international, la primauté du droit et la démocratie. Le monde libre doit se rallier à la cause ukrainienne et le faire immédiatement.
Il faut imposer des sanctions plus sévères contre l’économie et les banques russes et les biens des oligarques. Il faut aussi saisir les actifs russes en Occident.
L’Ukraine a besoin de plus d’aide pour se procurer des armes afin de se défendre. Ses amis et ses alliés doivent mettre en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’espace aérien ukrainien.
L’Ukraine aura besoin de soutien économique et d’aide humanitaire au cours des jours à venir.
Dans les années 1930, le monde a été lent à reconnaître le danger que posait Adolf Hitler pour notre civilisation. Nous ne pouvons pas commettre de nouveau cette erreur. Merci.
Des voix : Bravo!
(1420)
Art City Winnipeg
L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j’ai travaillé avec des organismes ukrainiens et je fais écho à tout ce qui a été dit aujourd’hui.
Je passe maintenant aux centres-villes de chez nous, où des organisations extraordinaires font des choses extraordinaires et appuient leurs collectivités en offrant des expériences marquantes à leurs résidants. West Broadway, dans la ville de Winnipeg, est une de ces oasis. Ce quartier compte 5 590 habitants; sa densité est 402 % plus élevée que celle de l’ensemble de Winnipeg, et l’âge médian y est 14 % inférieur.
Dirigé par des artistes professionnels, Art City propose un large éventail d’activités artistiques, utilisant toutes sortes de matériaux donnés. Parmi la clientèle, 96 % sont des enfants et des jeunes; 35 % sont Autochtones; 38 % sont des immigrants et des réfugiés, y compris en provenance de l’Ukraine; 12 % sont des personnes handicapées et 25 % sont des familles monoparentales.
Les enfants élaborent leur propre code de conduite, qui est affiché à la porte. Une politique « tolérance zéro » leur permet de se concentrer totalement sur la créativité. Il s’agit d’un programme libre et gratuit. Personne n’est obligé d’être là. L’esprit est imaginatif et positif, sensible à la grande diversité culturelle de la région. Les participants travaillent seuls et réalisent aussi des projets de groupe.
Un thème récent, la « décolonisation des bédés », était une façon bien trouvée d’inspirer les jeunes. Chaque année, ils construisent de superbes chars à thème pour le défilé de leur quartier et ils fabriquent des bannières sur demande pour les groupes et les organismes locaux.
Fondé en 1998 par l’artiste de renom Wanda Koop, le studio Art City a eu un impact transformateur. Un jeune étudiant en médecine qui a grandi dans le quartier m’a raconté qu’Art City était son havre de paix. C’était son rêve de redonner à la communauté et de vivre et travailler dans le coin. C’est ce qu’il fait maintenant.
Pendant les deux difficiles années de la pandémie de COVID-19, Art City a persisté et a accueilli 5 335 personnes, ce qui est moins que les 9 828 personnes d’avant la pandémie, mais tout de même impressionnant étant donné les confinements. La portée d’Art City s’est aussi étendue à d’autres secteurs de la ville. De plus, le studio a préparé et offert à la cueillette des trousses gratuites de fournitures artistiques contenant des instructions. Il a aussi inauguré un programme pour le Nord du Manitoba et livré des milliers de trousses à beaucoup de communautés dans le Nord.
Le sens de la responsabilité sociale d’Art City pour ce qui est de répondre aux besoins immédiats de la communauté et de collaborer avec les organismes locaux est d’une grande importance. Pour assurer la sécurité du quartier, des équipes d’Art City se joignent aux patrouilles de Bear Clan Patrol chaque semaine. L’organisme maintient un contact régulier avec l’Assemblée des chefs du Manitoba pour s’assurer que ses programmes et ses services sont bien adaptés à la culture autochtone et à l’esprit de réconciliation.
Maintenant que Winnipeg est en réouverture, les enfants sont de retour à Art City. Comme l’a dit Eddie Ayoub, directeur artistique et récipiendaire d’une médaille du 150e anniversaire du Sénat : « pour eux, rien n’est plus important que l’art ».
Je félicite Art City. Merci.
Des voix : Bravo!
Le Système d’alerte du Nord
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler d’un exemple de réussite. Compte tenu des événements tragiques qui se déroulent en Ukraine aujourd’hui, je pense que nous avons tous besoin de nouvelles positives.
Le 31 janvier 2022, le gouvernement du Canada a accordé un contrat de sept ans d’une valeur de 592 millions de dollars pour exploiter et entretenir le Système d’alerte du Nord. Il a été attribué à Nasittuq, une entreprise détenue conjointement par Pan Arctic Inuit Logistics Corporation, ou PAIL, et ATCO Frontec Logistics Corp. Le contrat pourrait être prolongé pour une période de huit ans, pour une valeur totale de 1,38 milliard de dollars.
PAIL est une entreprise entièrement inuite qui représente des organismes bénéficiaires inuits à l’échelle de l’Inuit Nunangat, ce qui fait de Nasittuq une entreprise détenue majoritairement par des intérêts inuits. Par conséquent, beaucoup d’efforts sont déployés pour recruter et former des Inuits. Un financement à hauteur de 25 millions de dollars a été réservé pour la formation, et Nasittuq s’emploie à recruter des candidats pour tous les types de postes, y compris des postes de direction.
Dans un article publié le 2 février 2022 dans le Nunatsiaq News, le président de PAIL, Harry Flaherty dit ceci :
Le recrutement de gestionnaires, de superviseurs et de travailleurs qui sont tous inuits facilitera les communications en milieu de travail.
Honorables collègues, c’est un grand pas pour ce qui est de diversifier les débouchés économiques des Inuits et de s’assurer que ceux-ci jouent un rôle crucial dans la défense de leur territoire. La prochaine étape consiste à s’assurer qu’on fera suffisamment de place aux Inuits dans les projets actuels et à venir qui permettront d’étendre et de moderniser le Système d’alerte du Nord.
Une directive du Conseil du Trésor entrée en vigueur le 20 décembre 2019 permet de privilégier les entrepreneurs inuits dans la région du Nunavut, conformément à l’article 24 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. C’est un bon début, mais nous devons continuer d’appeler à l’adoption de stratégies d’approvisionnement qui créent des débouchés pour les entreprises détenues par des Autochtones qui, pendant trop longtemps, ont été tenues à l’écart du processus d’approvisionnement de l’État.
Je félicite le gouvernement d’avoir pris la bonne décision en attribuant ce contrat majeur à Nasittuq, et je l’exhorte à poursuivre ses efforts pour soutenir des entreprises inuites lors des prochaines invitations à soumissionner pour des contrats dans le Nord.
Merci, qujannamiik, taima.
Le Mois de l’histoire des Noirs
L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs. En Nouvelle-Écosse, on l’appelle aussi le Mois du patrimoine africain. Je vous invite à vous joindre à moi pour célébrer tous les Canadiens noirs.
Au cours des deux difficiles dernières années, les Canadiens noirs ont assuré la santé et la sécurité des collectivités en travaillant fort et en prenant soin les uns des autres. Aujourd’hui, je remercie les médecins, le personnel infirmier, les préposés aux bénéficiaires, les enseignants et tous les travailleurs de première ligne.
Le Black Scientists’ Task Force on Vaccine Equity est un projet mené par des Canadiens noirs qui a été conçu pour partager de l’information sur la COVID-19 avec les Canadiens noirs et pour répondre aux préoccupations sur la COVID-19. Il s’agit d’une des nombreuses initiatives remarquables qui ont vu le jour au cours des deux dernières années.
L’automne dernier, j’ai eu l’honneur de visiter le centre de santé communautaire TAIBU et de constater le travail remarquable qu’on y fait pour la communauté noire de Toronto, par exemple, en vaccinant des milliers de personnes dans les installations du centre, tout en favorisant la sensibilisation et l’éducation sanitaire.
Des exemples comme ceux-ci démontrent la résilience et la détermination extraordinaires des Canadiens noirs, qui se montrent toujours à la hauteur pour bâtir et pour soutenir les systèmes et les institutions.
Aujourd’hui, et tous les jours en fait, nous voyons les résultats du soutien provenant de nos alliés et des efforts que nous déployons pour défendre cette cause. Les jeunes Noirs ont du poids et du succès dans la société, car ils disposent d’un espace pour s’épanouir, comme en témoignent les précurseurs noirs de plus en plus nombreux dans le domaine des sciences, des technologies, du génie et des mathématiques. Mentionnons aussi la revitalisation de l’entrepreneuriat noir et les entreprises qui font accroître, graduellement, la création de la richesse d’une génération à l’autre dans les communautés afro-canadiennes. Enfin, la plus grande présence des Noirs au Parlement permet de mettre de l’avant les besoins de toutes les communautés.
Au Sénat, nous devons regarder le travail qui reste à faire. Lorsque nous nous penchons sur des enjeux comme les services de garde, le logement, la croissance économique, les soins de santé et la lutte contre les changements climatiques, nous devons adopter un angle plus inclusif et intersectionnel qui tend vers l’équité.
Traditionnellement, nous profitons du mois de février pour jeter un regard sur le passé. Ce mois-ci, et pour toujours, nous nous engageons à faire entendre notre point de vue sur chacune des politiques et des décisions et lors de chacun des débats. Nous restons déterminés à bâtir notre avenir ensemble. L’histoire des Noirs se poursuit tous les jours, tous les mois et d’une année à l’autre. Elle nous révèle comme peuple, y compris notre vécu et notre culture.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Français]
Me Basile Chiasson, c.r.
L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de féliciter Me Basile Chiasson, lauréat du prix pour le droit Ramon-John-Hnatyshyn, prix national décerné par l’Association du Barreau canadien. Le prix vise à honorer une contribution exceptionnelle à la réforme du droit, au savoir juridique ou à la recherche juridique. Me Chiasson est le premier avocat acadien et néo-brunswickois à recevoir cette distinction et le deuxième en provenance de l’Atlantique.
Originaire de Shippagan, Me Chiasson a été admis au Barreau du Nouveau-Brunswick en 1983 après l’obtention de son diplôme de la Faculté de droit de l’Université de Moncton. Il pratique désormais à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, chez Chiasson & Roy, cabinet juridique créé en 1993 qui a près de 30 ans d’existence.
La récompense est décernée annuellement par l’Association du Barreau canadien, laquelle compte plus de 36 000 avocats au pays. Le prix d’excellence de l’Association du Barreau canadien souligne l’ensemble de l’œuvre d’un de ses membres plutôt qu’un exploit quelconque. Son ouvrage Règles de procédure du Nouveau-Brunswick annotées est une référence pour les avocats plaidants comme pour les membres de la magistrature. Me Chiasson est également l’auteur de Jugement sommaire : le virage culturel, publié par l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick. Auteur établi, il a déjà publié plus de 60 articles de droit, et ses ouvrages servent de référence à de nombreux avocats.
(1430)
Cette distinction n’est pas la première qu’a reçue Me Chiasson au cours d’une carrière de plus de 40 ans. En 1989, il a reçu le prix du juriste de l’année de l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick. En 2004, on lui décerne le Prix pour services exceptionnels de la division du Nouveau-Brunswick de l’Association du Barreau canadien.
Chers collègues, joignez-vous à moi pour féliciter Me Basile Chiasson pour l’obtention de cette distinction nationale et pour sa carrière exceptionnelle!
Merci et bonne journée.
[Traduction]
Le décès de Michael Allen Westover Jones
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, le 19 janvier dernier, Orillia a perdu un membre inestimable de sa communauté. Michael Allen Westover Jones est mort à la suite d’une bataille contre la maladie de Parkinson.
Mari dévoué, fils aimé, frère, oncle, mentor et ami, Michael était un formateur en leadership de renommée internationale, un facilitateur et un pianiste talentueux qui a combiné musique et récit pour inspirer et déstabiliser ses auditoires.
Michael est né dans un hôpital militaire pendant la Deuxième Guerre mondiale, à Bramshott, en Angleterre. Il a grandi dans la région de Kitchener-Waterloo et il a passé les 35 dernières années à Orillia.
Michael m’a grandement aidée à établir une table ronde sur la vérité et la réconciliation et il a contribué à son développement dans les deux dernières années et demie. Il a soutenu nos rencontres régulières en nous offrant de sages conseils et une expertise en facilitation et en établissement de dialogue. Avec l’aîné John Rice, il a formé une équipe formidable.
Michael a consacré son temps et son énergie à de nombreux autres projets locaux, y compris à des efforts de facilitation pour créer un espace communal ici, à Orillia. Il était convaincu qu’un sentiment d’appartenance était nécessaire pour avoir des communautés saines et que, si un endroit physique n’était peut-être pas obligatoire, il était utile.
Une célébration de la vie de Michael a eu lieu le 9 février. La cérémonie a inclus des extraits de sa musique et de ses poèmes préférés. Des amis et des proches ont raconté des histoires et des souvenirs en soulignant comment, à sa façon humble et douce, il avait changé leur vie et les avait aidés à découvrir et à partager leurs talents. Michael a écrit trois livres pour repenser le concept de leadership : Artful Leadership, Creating an Imaginative Life et, plus récemment, The Soul of Place. Dans ce dernier livre, les lecteurs sont invités à devenir l’esprit de l’espace au moyen de leur présence, à s’engager sur le chemin d’une transformation en s’appuyant sur les retrouvailles, le sentiment d’appartenance, la régénération et la célébration porteuse de changements. Michael était aussi un compositeur qui a été en lice pour un prix Juno. Il a enregistré 17 albums.
J’offre mes plus sincères condoléances à Judy, son épouse depuis 47 ans, à sa mère Laura, à ses frères Myron et Chris et à sa sœur Lisa.
Cher Michael, vous nous manquerez.
Meegwetch, merci.
Les Jeux olympiques d’hiver de 2022
Les athlètes canadiens
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, même aujourd’hui, en cette période de crise mondiale, je veux prendre un instant pour saluer et célébrer les efforts, le travail et les sacrifices de nos athlètes aux Jeux olympiques d’hiver.
Lors de la dernière journée des jeux, Isabelle Weideman a été la porte-drapeau du Canada à la cérémonie de clôture. Cette merveilleuse jeune patineuse de vitesse d’Ottawa revient au pays avec une médaille d’or, une d’argent et une de bronze.
Plus tard au cours de cette journée, Justin Kripps et son équipage de bobsleigh avaient besoin d’une descente propre et parfaite pour grimper sur le podium, et c’est ce qu’ils ont fait. Il était très tard samedi soir au Canada, et dimanche à Pékin, quand ils ont remporté une médaille de bronze.
Puis, il y avait Cendrine Browne qui, ce dimanche tranquille, s’est battue contre les éléments pour finir au 16e rang de la course de 30 kilomètres départ groupé, style libre, en ski de fond, le meilleur résultat canadien de l’histoire des Jeux olympiques dans cette épreuve.
Comme vous le savez, ces athlètes n’avaient pas leur famille avec eux. Certains d’entre eux ont pu parler à leur mère ou à leur père au portillon de départ ou avant de sauter sur la glace. Si vous avez suivi les jeux à la télévision ou sur les médias sociaux, vous aurez vu des clips d’eux qui montrent qu’ils ont fait de leur mieux pour créer des liens d’équipe à l’intérieur d’une bulle étroite, même s’ils étaient répartis dans trois villages chinois.
Quel était l’objectif du Canada pour ces jeux? L’objectif principal était la sécurité de nos athlètes, que ce soit en route vers Beijing, au moment de la compétition et sur la route du retour au Canada. L’ambition était aussi de réunir les conditions optimales pour nos athlètes; certains n’ayant pas participé à une compétition depuis plus de 500 jours.
Dans ces conditions, il aurait été déjà été fantastique de pouvoir remporter 23 médailles. En fin de compte, nos athlètes ont réussi à battre 17 records canadiens aux Jeux olympiques d’hiver. Ils nous rapportent 26 médailles. Mentionnons aussi que 8 ont remporté la quatrième place, 9 sont arrivés en cinquième place, et 68 se sont classés dans les 8 premiers. Nous savons combien il est déchirant pour nos athlètes d’arriver si près du podium, mais cela illustre surtout l’immensité du talent, de la performance et de la résilience de cette équipe.
Après avoir remporté sa toute première médaille en saut à ski, le Canada a rejoint les États-Unis dans le classement des pays ayant obtenu au moins une médaille dans 14 sports olympiques d’hiver, soit les meilleurs résultats de tous les comités nationaux olympiques.
Dimanche, lors de la cérémonie de clôture, nous avons vu de nombreux athlètes célébrer. Nous avons vu chaque athlète sortir du col de son manteau un cadeau, notre drapeau canadien, à son entrée dans le stade. Il y avait une marée de feuilles d’érable.
De nombreux athlètes arriveront au Canada mardi, sans tambour ni trompette à cause de la pandémie, mais cela ne nous empêche pas d’applaudir, de féliciter et de remercier chacun des 490 membres de la délégation canadienne. Nous saluons aussi le travail des bénévoles et des employés qui, dans bien des cas, ont passé 40 jours à Beijing afin de veiller au moindre détail pour que tout se déroule au mieux.
Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter Équipe Canada. Merci d’avoir participé à la Semaine nationale de la santé et de la condition physique. Je souhaite bonne chance à nos athlètes paralympiques pour la semaine prochaine.
Merci, meegwetch.
AFFAIRES COURANTES
La déclaration des qualifications exigées
Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 15-6 du Règlement, j’ai l’honneur de déposer le rapport du greffier du Sénat concernant la liste des membres du Sénat qui ont renouvelé leur déclaration des qualifications exigées.
Régie interne, budgets et administration
Présentation du deuxième rapport du comité
L’honorable Sabi Marwah, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :
Le jeudi 24 février 2022
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son
DEUXIÈME RAPPORT
Votre comité, qui est autorisé par le Règlement du Sénat à examiner les questions financières et administratives et, conformément au Règlement administratif du Sénat, à préparer les prévisions des sommes que le Parlement sera appelé à affecter au fonctionnement du Sénat, a approuvé le budget principal des dépenses du Sénat pour l’exercice financier 2022-2023 et en recommande l’adoption.
Un résumé du budget des dépenses est joint au présent rapport. Votre comité fait remarque que le budget proposé se chiffre à 121 821 702 $.
Respectueusement soumis,
Le président,
SABI MARWAH
(Le texte du rapport figure à l’annexe des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, pp. 297-303.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Marwah, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Le Budget des dépenses de 2021-2022
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
(1440)
[Français]
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 1er mars 2022, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Leo Housakos dépose le projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Housakos, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)
Le Code criminel
La Charte canadienne des droits des victimes
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu dépose le projet de loi S-238, Loi modifiant le Code criminel et la Charte canadienne des droits des victimes (renseignements concernant la victime).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)
ParlAmericas
La rencontre du Réseau parlementaire pour l’égalité des genres, tenue les 13 et 22 septembre et le 4 octobre 2021—Dépôt du rapport
L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la 13e rencontre du Réseau parlementaire pour l’égalité des genres de ParlAmericas, tenue par vidéoconférence les 13 et 22 septembre et le 4 octobre 2021.
La rencontre du Réseau pour un parlement ouvert, tenue les 15, 19 et 26 mars 2021—Dépôt du rapport
L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la cinquième rencontre du Réseau pour un parlement ouvert, tenue par vidéoconférence les 15, 19 et 26 mars 2021.
[Traduction]
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à dénoncer la Russie et son invasion de l’Ukraine
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose, appuyée par les honorables sénateurs Gold, c.p., Plett, Tannas et Cordy :
Que le Sénat du Canada :
a)dénonce avec la plus grande fermeté la Russie et son invasion entièrement injustifiée de l’Ukraine après de nombreuses violations de l’indépendance et de la souveraineté territoriales de celle-ci;
b)dénonce le mépris flagrant de la Russie envers ses obligations en vertu du droit international et en tant que membre des Nations Unies, notamment en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU;
c)reconnaisse le droit du peuple ukrainien à vivre dans la paix, la sécurité et la liberté dans leur pays et de choisir leur avenir et leur gouvernement sans aucune forme d’ingérence étrangère;
d)exprime son soutien à l’égard du peuple ukrainien et des Canadiennes et Canadiens d’origine ukrainienne.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Préavis de motion tendant à adopter l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Sénat du Canada adopte l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité qui suit, pour remplacer la Politique environnementale du Sénat de 1993, qui avait été adoptée par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration :
« ÉNONCÉ DE POLITIQUE DU SÉNAT DU CANADA EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT ET DE DURABILITÉ
OBJECTIF
Le Sénat du Canada est résolu à atteindre la carboneutralité d’ici 2030 et à mettre en œuvre des pratiques durables dans ses opérations. L’atteinte de cet objectif nécessite l’adoption, à l’échelle de l’organisation, d’une approche priorisant la réduction de la production et utilisant un système de compensation répondant aux plus hautes normes. Sur la voie de la carboneutralité, des rapports périodiques présentant des données quantifiables sur la progression vers la cible devront être produits. Ces mesures visent à faire preuve de leadership en matière d’action climatique en tant qu’institution, à encourager la reddition de compte des institutions fédérales et à contribuer au processus législatif.
PRINCIPES
Le Sénat est résolu à atteindre ses objectifs en respectant les principes suivants :
1.Être un modèle de leadership environnemental conformément aux pratiques exemplaires des lois, réglementations, normes et directives internationales, fédérales, provinciales et municipales ambitieuses en matière d’environnement, le cas échéant;
2.Intégrer un cadre de responsabilisation rigoureuse au cycle de planification opérationnelle. Cela comprend l’analyse comparative, le suivi et l’application d’une gestion axée sur les résultats afin de parvenir à une amélioration continue des performances environnementales, conformément aux pratiques exemplaires des cadres de responsabilité des normes internationalement reconnues. Les progrès doivent être communiqués régulièrement et publiquement au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration (CIBA).
3.Exiger une acquisition de biens et de services respectueuse de l’environnement qui tienne compte de ce qui suit : l’achat de produits et de services respectueux de l’environnement; la sélection de fournisseurs novateurs démontrant des pratiques commerciales respectueuses de l’environnement; et l’établissement d’exigences environnementales dans les demandes de propositions.
4.Réduire l’impact des activités pour l’environnement en utilisant les ressources plus efficacement, en mettant l’accent sur la réduction des résultats dans l’ensemble des opérations du Sénat.
5.Encourager et renforcer la sensibilisation à l’environnement dans l’ensemble du Sénat par l’éducation et le soutien, tout en reconnaissant et en intégrant les actions environnementales entreprises par les employés du Sénat et les sénateurs.
6.Exploiter les installations et mener les activités du Sénat de façon durable en vue de prévenir la pollution et de réduire les déchets. Tenir compte des impacts et des implications pour l’environnement dans la planification des projets et des activités.
7.Élaborer et mettre en œuvre des outils qui favorisent et intègrent les considérations environnementales dans les activités quotidiennes du Sénat afin d’encourager les sénateurs et les employés du Sénat à prendre des décisions respectueuses de l’environnement dans le cadre de leurs activités et de leurs tâches. »;
Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration examine la faisabilité de la mise en œuvre de programmes visant à établir :
a)un cadre de responsabilisation et un cycle de rapports annuels;
b)la promotion de politiques de transport écologiques et de la réduction des déplacements;
c)l’optimisation du recyclage et la réduction du gaspillage;
d)une approche mettant l’accent sur le virage numérique et la réduction des impressions;
e)l’appui des organismes centraux pour permettre au Sénat d’acheter des droits d’émissions de carbone dans le cadre d’un Sénat durable;
f)un processus permettant aux sénateurs et à leurs bureaux de formuler des recommandations favorisant l’environnement et le développement durable;
Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration acquière les biens et services nécessaires pour examiner la faisabilité ou pour mettre en œuvre ces recommandations.
(1450)
Droits de la personne
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions concernant les droits de la personne en général
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, conformément à l’article 12-7(14) du Règlement, soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les questions qui pourraient survenir concernant les droits de la personne en général;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 12 juin 2025.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les transports
La pandémie de COVID-19 — Les exigences liées à la vaccination
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Merci, Votre Honneur. Encore une fois aujourd’hui, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, le recours à la Loi sur les mesures d’urgence a été annulé, mais les exigences relatives à la vaccination imposées par le gouvernement Trudeau, qui ont déclenché le mouvement de protestation, demeurent en vigueur. Partout au pays, les provinces abandonnent leurs exigences relatives à la vaccination, redonnant espoir aux familles et aux entreprises canadiennes.
Pas plus tard qu’hier, alors que le Sénat débattait de la crise inexistante déclarée par le premier ministre, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse ont présenté leur plan d’assouplissement des restrictions. Pourtant, le gouvernement Trudeau n’a toujours pas exprimé l’intention d’abandonner son projet d’exiger une preuve de vaccination pour les camionneurs qui se déplacent d’une province à l’autre.
Monsieur le leader, récemment, je vous ai demandé de confirmer que le gouvernement n’envisage plus cette idée ridicule et vous n’avez pas vraiment répondu à ma question, quoique cela n’ait rien de surprenant en soi. Aujourd’hui, je vous donne une autre chance. Puisque vous m’avez donné hier l’occasion de répondre à une question simplement par oui ou par non, je vous rends la pareille aujourd’hui. Le gouvernement Trudeau abandonnera-t-il son projet d’imposer des exigences relatives à la vaccination aux camionneurs qui se déplacent d’une province à l’autre, oui ou non?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement continue d’envisager toutes les mesures appropriées pour gérer la pandémie et annoncera toute éventuelle modification des mesures imposées en temps et lieu.
Le sénateur Plett : Eh bien, pour la gouverne de tous ceux au Canada qui nous regardent — et d’après la chaîne de courriels que plusieurs d’entre nous ont reçue, ils sont nombreux —, je crois que la réponse à la question que j’ai posée était « non ». Si vous ne voulez pas le dire, j’imagine que je dois le dire.
J’ai entendu que la réponse à ma question était « non ».
Voyons si on peut faire mieux pour la deuxième question.
La semaine dernière, le Conseil canadien du porc a affirmé au Comité de l’agriculture de la Chambre que l’intention du gouvernement Trudeau d’imposer des mesures relatives à l’état vaccinal aux camionneurs qui vont d’une province à l’autre serait la goutte d’eau qui ferait déborder le vase. C’est le Conseil canadien du porc qui l’a affirmé, pas un politicien.
Le conseil affirme ne pas avoir été consulté par le gouvernement Trudeau à ce sujet. Le président du conseil, Rick Bergmann, un Manitobain, a affirmé au comité que ces mesures auraient un effet dévastateur sur l’industrie et il a ajouté que « la mise en œuvre de cette règle nous mènera certainement droit à l’échec ».
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau tient-il à ajouter de nouvelles restrictions? Le gouvernement Trudeau n’a jamais présenté de données scientifiques pour appuyer son intention au sujet de telles restrictions. Où sont ces données? Qu’est-ce qui est arrivé à la volonté de se fier à la science?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai répondu ni oui ni non à votre première question. J’ai dit que le gouvernement continuait d’étudier, comme il le fait depuis le début, toutes les mesures possibles et il fera des annonces en temps et lieu.
En ce qui concerne votre deuxième question, les Canadiens savent déjà que 90 % des camionneurs sont vaccinés et l’association des camionneurs a dit qu’elle était en faveur de ces mesures. En ce qui concerne votre question au sujet des inquiétudes des producteurs de porc et d’autres joueurs du secteur de l’agriculture, c’est la même réponse que pour votre première question.
Les finances
Le dégel des comptes bancaires gelés
L’honorable David M. Wells (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Merci, Votre Honneur. Ma question s’adresse au sénateur Gold. Monsieur le sénateur, des centaines, voire des milliers de comptes bancaires de Canadiens ont été gelés au cours de la période d’application de la Loi sur les mesures d’urgence, qui a été invoquée le 14 février 2022.
Comme la loi a été révoquée hier, tous ces comptes ont-ils été dégelés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je ne peux pas vous répondre de façon définitive que tous les comptes ont été dégelés. Je soupçonne que ce n’est probablement pas encore le cas. Selon certains rapports, plusieurs comptes ont été dégelés, particulièrement ceux des personnes qui ont quitté la manifestation. Je vais certainement m’informer dans la mesure où l’information est disponible et je serai heureux de la communiquer au Sénat.
Le sénateur Wells : Merci de cette réponse, sénateur Gold. Je ne connais pas les détails de la loi à cet égard, mais il me semble que, si certains comptes demeurent gelés, ce serait en dépassement de la période où la Loi sur les mesures d’urgence s’appliquait. Par conséquent, on pourrait s’attendre à une intervention immédiate.
Sénateur Gold, que compte faire le gouvernement avec les renseignements bancaires des Canadiens recueillis en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, qui a maintenant été révoquée?
Le sénateur Gold : Je pense qu’il est important que les sénateurs comprennent — et ils ne veulent certainement pas revenir sur le débat de l’autre jour, où j’ai parlé pendant des heures — qu’au moment où la loi a été invoquée, les mesures étaient en place et appliquées. Dès que le gouvernement a décidé que la loi n’était plus nécessaire, les mesures ont été abrogées. Toutefois, les mesures prises pendant cette période qui étaient autorisées par les règlements promulgués en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence restent assujetties à ces conditions.
Comme on l’a déjà dit et comme je l’ai mentionné à maintes reprises, le gouvernement a fait preuve de prudence avant d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence et il a agi de façon responsable en se fondant sur l’avis des forces de l’ordre, du milieu du renseignement et d’autres conseillers avant de déterminer que la loi n’était plus nécessaire. Ainsi, le Sénat peut être assuré que le gouvernement est capable de procéder de façon responsable et prudente relativement à la question que le sénateur vient de soulever.
(1500)
Les accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants
L’honorable Ratna Omidvar : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, et porte sur les services de garde des jeunes enfants. Maintenant que le Nunavut a conclu un accord sur la garde des enfants avec le gouvernement fédéral, ma province, l’Ontario, est la seule à ne pas avoir signé l’accord du gouvernement fédéral sur les services de garde à 10 $ par jour. Il se trouve que c’est aussi la province la plus peuplée du Canada, et qui se distingue malheureusement par le fait que les services de garde y sont les plus coûteux au pays. En Ontario, certains parents paient plus de 2 000 $ par mois pour la garde de leurs enfants, alors que dans d’autres provinces, les frais des services de garde ne sont que de 10 $ par jour.
Vous comprenez, sénateur Gold, les conséquences de cette situation sur les Canadiens à faible revenu, car il est impossible de conserver un emploi sans avoir accès à des services de garde abordables. Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations, quels sont les obstacles à celles-ci et quand pouvons-nous nous attendre à la signature d’un accord?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice, de votre question et d’avoir souligné l’importance de l’accessibilité des services de garde pour tous les Canadiens, quel que soit l’endroit où ils vivent. Je crois savoir que la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Mme Gould, attend actuellement que la province de l’Ontario présente son plan d’action afin que le gouvernement fédéral puisse comprendre de quelle façon l’Ontario prévoit dépenser les fonds de 10,2 milliards de dollars qui lui sont proposés dans le cadre de ce plan.
Honorables sénateurs, il s’agit d’une importante mesure de reddition de comptes. Le gouvernement doit avoir l’assurance que les familles bénéficieront réellement d’une réduction des coûts des services de garde. Nous devons avoir la certitude que le nombre de places disponibles augmentera et que l’éducation préscolaire sera financée comme il se doit. C’est aussi une importante mesure de transparence. Les citoyens de l’Ontario et l’ensemble des Canadiens doivent savoir comment les fonds publics sont dépensés.
La sénatrice Omidvar : Sénateur Gold, savez-vous s’il y a une échéance pour la signature de cette entente?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai connaissance d’aucune échéance. Je sais que le gouvernement fédéral a intérêt à ce qu’une entente appropriée soit conclue, afin que les Ontariens puissent bénéficier de ce programme. Je suis convaincu qu’il en va de même pour les Ontariens eux-mêmes. Comme je l’ai dit, je comprends que des négociations sont en cours entre les deux ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral attend de recevoir le plan d’action du gouvernement de l’Ontario.
[Français]
Le patrimoine canadien
Le soutien apporté aux athlètes paralympiques
L’honorable Chantal Petitclerc : Ma question s’adresse au sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat. Comme la sénatrice Deacon le disait plus tôt, nos athlètes olympiques reviennent au Canada avec une belle récolte de 26 médailles, dont quatre d’or. On est très fier d’eux, on les félicite et on les soutient. Au Canada comme dans plusieurs pays, nos médaillés vont recevoir une bourse, un bonus à la performance. Au Canada, on parle de 20 000 $ pour une médaille d’or, de 15 000 $ pour une médaille d’argent et de 10 000 $ pour une médaille de bronze.
Pendant ce temps, nos 49 athlètes paralympiques sont à neuf jours des jeux pour lesquels ils s’entraînent depuis des années. Au retour, encore une fois, on sera fier d’eux. On va les applaudir comme on l’a fait aujourd’hui dans cette Chambre. Le gouvernement va les féliciter, mais est-ce qu’ils recevront leur prime à la performance? Eh bien non, ils ne recevront rien, rien du tout, peu importe la couleur de la médaille.
C’est une injustice que j’ai moi-même vécue en 2008 et, tristement, ce n’est pas encore réglé. Sénateur Gold, il est trop facile de dire que le Comité olympique canadien a plus de ressources que le Comité paralympique. Cela ne justifie pas ce traitement inégal. Il existe des solutions, que plusieurs pays ont trouvées, comme les États-Unis, l’Italie, Singapour et beaucoup d’autres. On parle ici de discrimination fondée sur le handicap, et vous serez d’accord, ça n’a pas sa place au Canada.
Sénateur Gold, êtes-vous d’accord pour dire que cette situation est inacceptable, que les athlètes paralympiques méritent le même traitement que les athlètes olympiques? Pouvez-vous me rassurer et m’assurer que maintenant que nous avons à nouveau une ministre des Sports, le gouvernement va tout faire pour remédier à cette injustice?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice, de cette question. J’ai honte d’admettre que je n’étais pas au courant de la différence de traitement entre nos athlètes, comme vous l’avez décrit. Je vais m’informer davantage. Je vais parler à la ministre des Sports, qui est députée de ma circonscription, en Estrie, et je vais essayer de revenir avec de l’information dans les plus brefs délais.
[Traduction]
La sécurité publique et la protection civile
La Loi sur les mesures d’urgence—Le comité parlementaire d’examen
L’honorable Pamela Wallin : Sénateur Gold, la révocation de la Loi sur les mesures d’urgence a entraîné l’arrêt du processus d’examen. Il semble que le gouvernement ne soit plus légalement tenu de fournir au Parlement, notamment au Sénat, l’information et les documents confidentiels qui ont entraîné le recours à cette loi. Compte tenu des préoccupations de mon collègue le sénateur Tannas, qui vous a posé des questions l’autre jour à ce sujet, pouvons-nous avoir une certaine assurance que le Sénat sera inclus dans tout processus d’examen à venir pour que nous puissions avoir accès à l’information cruciale dont je viens de faire mention?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Nonobstant la révocation de l’état d’urgence, la Loi sur les mesures d’urgence prévoit la création d’un comité d’examen parlementaire. D’ailleurs, le comité doit faire rapport aux deux Chambres du Parlement dans un délai maximal de sept jours de séance. Le gouvernement a l’intention, depuis quelques jours déjà, d’agir aussi rapidement possible pour que le comité soit mis sur pied.
Honorables sénateurs, si vous suivez Twitter, vous savez peut‑être déjà que le Parti conservateur du Canada et le gouvernement ont rendu publiques des propositions quant au mode de création du comité, ou plutôt quant à la composition de ce comité, soit le nombre de sénateurs et le nombre de députés qui y siégeraient. Si je comprends bien, les discussions se poursuivent à l’autre endroit entre le leader du gouvernement et ses homologues de tous les partis de l’opposition, pour en arriver à un consensus afin d’aller de l’avant le plus rapidement possible. Je me renseigne toutes les heures pour être au courant de ce qui se passe dans ce dossier.
En ce qui concerne la première partie de votre question, je pense qu’il est important de comprendre que le comité pourra évidemment consulter et demander tous les renseignements qu’il jugera pertinents, sous réserve, bien sûr, des exigences et des limites juridiques qui peuvent exister à propos des renseignements qui peuvent être communiqués même à ce comité, comme je l’ai expliqué en détail à plusieurs occasions l’autre jour.
La sénatrice Wallin : Nous comprenons tous que, à la suite de la révocation de la déclaration d’état d’urgence, on aura demandé aux banques et aux institutions financières de ne plus geler de comptes, ni même de les scruter. Les institutions financières conserveront leur immunité en matière civile, et pourtant, les clients n’ont pas accès à l’application régulière de la loi.
L’une des solutions que vous avez suggérées est que les clients fassent appel à l’Agence de la consommation en matière financière. Cette solution est quelque peu problématique, car plus de 80 % de son financement provient de l’industrie, et son bilan en matière de résolution de plaintes laisse beaucoup à désirer. Comment ce problème peut-il être résolu maintenant?
(1510)
Le sénateur Gold : Merci, sénatrice, de votre question.
Je n’ai pas vraiment de renseignements supplémentaires à fournir, autres que ceux que j’ai fournis dans mon discours et dans mes réponses, ni d’autres réponses à donner. Les clients des banques continueront à travailler ensemble, et il est à espérer que tout problème qui pourrait survenir sera résolu adéquatement et rapidement.
La santé
La pandémie de COVID-19 — Les exigences liées à la vaccination
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, le premier ministre Trudeau a enfin annulé, hier, le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, mais il n’aurait jamais dû y avoir recours. Encore une fois, le premier ministre et son gouvernement ont manqué à leur devoir envers les Canadiens. Ils ont exploité à des fins politiques la division qui existe entre les Canadiens vaccinés et non vaccinés, mais les Canadiens rejettent ces expédients politiques honteux, qui sèment la division et ostracisent des gens.
Quand le gouvernement suivra-t-il l’exemple de ses alliés étrangers et de la plupart des provinces canadiennes et lèvera-t-il les exigences et les restrictions discriminatoires en matière de vaccination?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai déjà dit à votre collègue le sénateur Plett, le gouvernement évalue sans cesse la pertinence des mesures sanitaires qui sont prises pour protéger la santé des Canadiens. Il continue de suivre les conseils des responsables de la santé publique. Avec tout le respect que je dois à la sénatrice, il n’y a pas grand-chose à rajouter, si ce n’est que le gouvernement estime que ces mesures ne sont pas discriminatoires. Il s’agit plutôt de moyens raisonnables et mesurés qui sont pris en réaction à une crise sanitaire sans précédent et qui misent sur la responsabilité individuelle que nous avons envers nos voisins et nos proches et sur notre devoir collectif de nous protéger mutuellement contre la pandémie.
La sénatrice Batters : Sénateur Gold, je suis fièrement triplement vaccinée et j’ai largement fait la promotion de la vaccination et des mesures sanitaires liées à la COVID tout au long de la pandémie. La vaste majorité des Canadiens sont également vaccinés.
Nous sommes rendus à une étape dans cette pandémie où certaines mesures qui ont été mises en place ne sont plus nécessaires. Même l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam, a déclaré qu’il faut réexaminer les exigences liées à la vaccination. Le temps de la liberté, c’est maintenant. Pourquoi le gouvernement Trudeau n’emboîte-t-il pas le pas aux provinces et à nos alliés internationaux et ne met-il pas fin aux exigences et aux restrictions fédérales liées à la vaccination? S’agit‑il simplement d’un autre exemple de la soif de contrôle du premier ministre?
Le sénateur Gold : Non, il ne s’agit pas de ça. Ce que vous dites, en tout respect, est une très mauvaise interprétation des mesures prises par ce gouvernement tout au long de la pandémie.
Le gouvernement fédéral, qui a déjà ajusté les règles de nombreuses fois, fait ce qu’il doit faire pour protéger les Canadiens et continuera de le faire. Dans un système fédéral, les provinces sont libres de prendre des décisions qui diffèrent. De nombreuses provinces, y compris la vôtre et d’autres, ont assoupli les exigences bien avant d’autres provinces. Les résultats parlent d’eux-mêmes.
Il n’en demeure pas moins que le gouvernement continuera d’assumer les responsabilités qui relèvent de sa compétence comme il se doit.
La sécurité publique et la protection civile
La Loi sur les mesures d’urgence
L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans son discours de mardi matin, le Sénateur Gold a dit : « [...] je pense que nous devons faire preuve d’une certaine déférence envers le gouvernement en ce qui a trait à l’évaluation de sécurité qu’il a effectuée. » Chaque sénateur est conscient que, lundi soir, lors des votes à l’autre endroit, la situation en matière de sécurité était la même que celle de mercredi après‑midi, lorsque le premier ministre a fait volte-face. La situation des barrages, des manifestants et de la frontière était la même. On nous a dit de faire preuve de déférence envers le gouvernement, même si chacun pouvait constater la réalité par lui-même. Hier, nous avons également vu un certain nombre de sénateurs nommés par M. Trudeau se lever dans cette enceinte, hier, pour défendre les mesures draconiennes, car, bien sûr, ils voyaient des ennemis de l’État rôder à chaque coin de rue.
Alors, monsieur le leader, quel sera l’impact de ce triste épisode si, Dieu nous en préserve, une véritable catastrophe secoue le Canada dans une semaine, dans un mois, dans un an? En quoi le fait de sortir les gros canons dans ce cas précis sera-t-il utile si nous devons faire face à une véritable urgence nationale ?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais tenter de m’exprimer de façon claire et mesurée.
Ce que j’ai dit et expliqué à de trop nombreuses reprises, c’est simplement que le gouvernement s’appuie non seulement sur des informations qui sont publiques et qui l’étaient lorsqu’il a pris sa décision le 14 février, mais aussi, et à juste titre — les membres qui ont été du côté du gouvernement le comprendront —, sur des informations provenant des autorités policières et autres. Voilà pour le premier point.
Ensuite, quiconque a observé ce qui s’est passé sur le terrain, que ce soit vendredi, samedi ou dimanche à Ottawa, conviendra, je pense, que les policiers ont agi avec retenue et responsabilité. Leur comportement a été exemplaire, comme beaucoup l’ont noté dans cette enceinte. Vous savez à qui je fais référence. Les mesures n’ont pas été draconiennes. C’étaient des mesures, oui, mais des mesures mesurées pour faire face à une crise grave.
Ce qui m’amène au dernier point de votre intervention. Vous demandez ce que le Canada fera lorsqu’il y aura une véritable catastrophe. D’autres ont affirmé que les mesures n’ont jamais été nécessaires.
Il ne faut pas minimiser les répercussions qu’a eues l’occupation d’Ottawa sur la ville et ses habitants. Elle a causé des torts aux gens. Certains ont été victimes d’abus. Elle a nui à notre économie et à notre crédibilité en tant que pays commerçant. Le gouvernement a cru devoir évaluer adéquatement et de façon responsable les risques, dont ceux liés au rétablissement des barrages à Windsor, dans d’autres villes ou à d’autres postes frontaliers, ou encore ceux liés à la réoccupation de cette ville ou de toute autre ville. Tant que le gouvernement n’a pas été satisfait que tout risque fût écarté en fonction des conseils fournis tout au long du processus, il a maintenu les mesures en place pour notre bien collectif.
Cette crise était réelle. Demandez-le à quiconque en a souffert. Demandez-le à tous ceux qui ont été incapables d’aller travailler parce leur usine était fermée par manque de pièces. Demandez-le à tous ceux qui ont été dénigrés, harcelés et attaqués verbalement alors qu’ils marchaient dans la rue parce qu’ils portaient un masque, qu’ils avaient la peau foncée ou qu’ils se rendaient recevoir des soins médicaux. J’aimerais m’exprimer en tant qu’être humain, et non simplement en tant que représentant du gouvernement. Nous pouvons être en désaccord au sujet de la pertinence des mesures. Nous pouvons être en désaccord au sujet de leur durée. Manifestement, nos opinions divergent à ce sujet, même si j’ai été très heureux d’entendre... en tout respect, j’ai le droit de terminer ma réponse.
Le sénateur Plett : Non.
Le sénateur Gold : Je suis en train de terminer ma réponse. Je m’attends au même respect que j’ai à votre égard quand vous me posez des questions.
En tant qu’être humain, je suis offensé du tort et de la souffrance causés à autrui et à notre pays devant un tel mépris. Sur ce, je me tais.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, mon intention n’est pas de vous témoigner du mépris. Vous savez que j’éprouve le plus profond respect pour l’être humain que vous êtes. Cependant, le premier ministre — et les faits sont indéniables — est incapable de diriger notre pays en période de crise. Il est non seulement incapable de le faire, mais il n’a pas la volonté d’unir les Canadiens, car il choisit un ton provocateur pour attiser les flammes de la division. Ce sont les faits. On a vu son représentant du gouvernement — je suis désolé que ce représentant du gouvernement ait dû se tenir debout, dans cette enceinte, hier — défendre une décision qui a été annulée quelques minutes plus tard, pendant que vous étiez en train de la faire valoir. Cela en dit long. Cela en dit long pour vous et toutes les autres personnes qui défendaient la décision hier alors que le premier ministre était en train de changer d’idée à votre insu.
Le Canada et le monde entier se retrouvent avec de graves problèmes. L’inflation grimpe en flèche et les familles canadiennes peinent à joindre les deux bouts. Nous voyons ce qui se passe en Ukraine. Nous savons que la Chine est une menace pour notre pays et nos démocraties occidentales. À ce moment précis, le premier ministre a perdu beaucoup de crédibilité internationale.
(1520)
Où est le leadership, sénateur Gold? Pourquoi le premier ministre ne reconnaît-il pas sa part de responsabilité dans la tournure qu’ont prise les événements au cours des dernières semaines? Croit-il, une fois de plus, que tout le monde, sauf lui, peut tirer des enseignements de cet épisode? Le gouvernement, dans l’une ou l’autre des deux Chambres, finira-t-il par assumer ses responsabilités?
Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada a agi de façon responsable pour protéger les Canadiens et le pays lors d’une situation qui n’aurait pu être maîtrisée, et ne l’a pas été, sans cette mesure. En tant que représentant du gouvernement, je suis tout à fait à l’aise avec les mesures prises par le gouvernement. Je me sens encore fier et privilégié de représenter le gouvernement au Sénat.
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que le sénateur Gold accepterait de répondre à une question?
Le sénateur Gold : Je dois répondre, et je répondrai avec plaisir.
La sénatrice Dupuis : Sénateur Gold, nous avons reçu plusieurs courriels depuis un certain nombre de jours et de semaines. J’entends encore aujourd’hui, dans l’enceinte du Sénat, qu’on vous pose des questions sur la révocation ou l’abrogation de la Loi sur les mesures d’urgence. Est-ce que vous pouvez, au bénéfice de la population qui écoute les séances du Sénat et peut-être aussi pour nous, sénateurs et sénatrices, préciser ce qui a été abrogé hier par le gouvernement?
Le sénateur Gold : Hier après-midi, la gouverneure générale du Canada a signé un décret mettant fin à l’état d’urgence qui avait été proclamé le 14 février dernier. En signant ce décret, la gouverneure générale a suivi les articles de la Loi sur les mesures d’urgence qui prévoient que, au moment où le gouvernement prend la décision, par décret signé par la gouverneure générale, l’état d’urgence proclamé prend fin.
[Traduction]
Les affaires étrangères
L’Ukraine—Les agissements de la Russie
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold.
Je souhaite avant tout vous remercier, sénateur Gold, d’offrir des réponses posées et de reconnaître que certaines remarques formulées avec les questions d’aujourd’hui font essentiellement fi de la voix de nombreux sénateurs dont les origines sont racisées.
Ma question porte sur l’Ukraine, plus précisément sur les femmes ukrainiennes. Comme on le sait, le viol est trop souvent utilisé comme une arme de guerre.
On sait aussi que le Canada est un expert et un chef de file dans le domaine de l’analyse comparative entre les sexes, et qu’il a une politique étrangère féministe.
Sénateur Gold, pourriez-vous me confirmer que le Canada s’appuie sur une analyse comparative entre les sexes et sur les principes de sa politique étrangère féministe pour évaluer toutes les options qu’il envisage en réponse à l’invasion illégale de l’Ukraine?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je devrai me renseigner pour répondre avec précision à votre question sur les mesures qui ont été employées et qu’il pourrait devenir nécessaire d’employer.
Je peux déjà dire deux choses. Premièrement, le gouvernement maintient toujours sa politique étrangère féministe, pour tenir compte de l’effet particulier et disproportionné qu’a un contexte de guerre sur les femmes, comme vous l’avez souligné à juste titre. Deuxièmement, le gouvernement a annoncé aujourd’hui de nouvelles mesures qui s’ajoutent à celles annoncées précédemment. Il s’agit de mesures musclées et énergiques, d’ordre économique et militaire, qui visent à fournir un soutien militaire et à imposer des mesures économiques de concert avec ses alliés de l’OTAN. Le gouvernement continuera de défendre les droits du peuple ukrainien et la souveraineté de la nation ukrainienne.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole en tant que parrain du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19.
Malheureusement, la COVID-19, avec l’émergence du variant Omicron, continue de perturber considérablement la vie de tous les Canadiens. Elle demeure une menace sans pareil pour la santé et le bien-être social et économique des Canadiens et des autres habitants de la planète.
Par conséquent, le gouvernement du Canada a l’obligation de s’assurer que le système de soins de santé, y compris les médecins et les fournisseurs de services d’urgence, est équipé adéquatement pour répondre à la COVID-19. Cela comprend la détection et le traitement du virus grâce à une capacité de dépistage efficace.
Je pense donc qu’il est important que le Sénat examine le projet de loi en temps opportun et de manière efficace.
J’aimerais répéter et souligner pourquoi je crois que l’adoption du projet de loi C-10 est de la plus haute urgence et pourquoi il devrait recevoir toute notre attention.
Il ne fait aucun doute que le dépistage de la COVID-19 aide beaucoup le pays à se sortir de la pandémie et à s’en remettre rapidement. Le projet de loi C-10 prévoit le financement voulu pour que tous les Canadiens qui le souhaitent puissent avoir accès à un test de dépistage. Il fera en sorte que les programmes fédéral, provinciaux et territoriaux de distribution de tels tests puissent approvisionner les fournisseurs de soins de santé, les résidants d’établissements de soins de longue durée, les enseignants, les élèves et l’ensemble de la population. Ces tests constituent un outil qui permettra aux Canadiens de gérer eux-mêmes leurs besoins en matière de dépistage.
Le dépistage autonomise les Canadiens en leur permettant de savoir s’ils sont atteints de la COVID-19, ce qui les aide à déterminer les mesures à prendre pour prévenir la transmission.
Le projet de loi C-10 habiliterait le ministre de la Santé à faire l’acquisition, dans le but de les distribuer partout au pays, de jusqu’à 2,5 milliards de dollars de tests de dépistage rapide de la COVID-19. Ces tests sont essentiels à la lutte contre la pandémie.
Le dépistage demeure un élément crucial de l’intervention du Canada en réponse à la COVID-19 ainsi que de l’observation des mesures de santé publique en vigueur, lesquelles sont importantes. Le gouvernement appuie le régime de dépistage depuis le début. Il s’agit d’une source d’information permettant de savoir qui pourrait être infecté ainsi que d’une source de données pour informer les décisions des gouvernements et des autorités sanitaires en vue d’optimiser les mesures prises.
À l’automne 2020, dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire, le gouvernement fédéral a fourni aux provinces et aux territoires un transfert direct de 3 milliards de dollars afin d’appuyer leurs efforts et d’accroître la capacité du Canada en matière de dépistage et de recherches des contacts.
Le gouvernement a également investi 1,28 milliard de dollars pour appuyer les initiatives en matière de dépistage, de recherche des contacts et de gestion des données. Ce financement comprenait 906,2 millions de dollars que l’Agence de la santé publique du Canada a utilisés pour faire l’acquisition de 92 millions de tests entre octobre 2020 et novembre 2021. La grande majorité de ces tests ont été distribués aux provinces et aux territoires afin qu’ils les utilisent dans le cadre de leurs efforts respectifs de lutte contre la COVID-19.
À l’hiver 2021, afin d’optimiser sa portion de l’Accord sur la relance sécuritaire, Santé Canada a offert du financement réparti en trois volets : les technologies de dépistage novatrices, la recherche des contacts et la gestion des données.
(1530)
Pour ce qui est de l’innovation dans le dépistage, le gouvernement a financé des essais cliniques et des projets pilotes liés à l’autodépistage, à l’expansion de la surveillance des eaux usées et à l’utilisation de technologies innovatrices. Pour nommer quelques projets précis, mentionnons l’utilisation de tests de dépistage au point de service dans les établissements de soins de longue durée et dans les services d’urgence pédiatriques, et la surveillance des eaux usées dans les lieux d’habitation collective ainsi que dans les aéroports.
Pour rendre disponibles le plus grand nombre possible de tests approuvés pour le dépistage de la COVID-19, Santé Canada a, à titre d’organisme de réglementation, mis en place un processus simplifié d’examen et d’approbation de nouveaux instruments médicaux. Le ministère a pris un arrêté d’urgence permettant aux fabricants de soumettre une demande abrégée, mais contenant des renseignements et des documents qui attestent du caractère sécuritaire et efficace ainsi que de la qualité de l’instrument médical. De plus, Santé Canada a travaillé en étroite collaboration avec d’autres organismes de réglementation dans le monde pour échanger des renseignements sur les nouveaux tests de dépistage de la COVID-19. Le ministère a aussi accru son dialogue avec les fabricants afin de suivre de près les avancées de nouvelles technologies et les facteurs ayant des répercussions sur les marchés mondiaux.
En date du 15 février 2022, Santé Canada a autorisé 107 instruments de dépistage, dont 10 autotests et 28 tests qui peuvent être utilisés dans les points de service. Nous avons tiré parti de partenariats nationaux et internationaux pour échanger l’expertise technique, communiquer des renseignements et apprendre des expériences des autres. Le gouvernement est résolu à travailler avec les provinces et les territoires dans tous les aspects de la pandémie, y compris la mise en commun de l’information, pour que tout problème potentiel puisse être réglé le plus efficacement possible.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le gouvernement a travaillé avec les provinces et les territoires, les milieux de travail et les organismes sans but lucratif pour élargir l’utilisation des tests de la COVID-19. L’initiative du consortium de dépistage rapide de Creative Destruction Lab a ouvert la voie au renforcement des capacités de dépistage dans les lieux de travail. S’appuyant sur le succès de cette initiative et cherchant à améliorer l’accès des Canadiens à des tests en milieu de travail, le gouvernement fédéral a fourni plus de 4 millions de tests de dépistage rapide directement aux employeurs et plus de 1,7 million aux pharmacies pour qu’elles les distribuent à de petites et moyennes entreprises.
Depuis mai 2021, le gouvernement travaille avec la Croix-Rouge canadienne pour appuyer le dépistage volontaire au sein des organismes sans but lucratif en fournissant à ceux-ci des conseils et des ressources, y compris des tests de la COVID-19. Entretemps, la Croix-Rouge canadienne a apporté son soutien à 234 organismes partout au pays.
Au Canada, les collectivités nordiques, éloignées et isolées ont souvent du mal à avoir accès en temps opportun à des services de santé traditionnels, tels que des tests diagnostiques et l’accès aux soins. Il se peut qu’il n’y ait pas de services sur place, et les difficultés liées au transport des échantillons peuvent augmenter les délais ainsi que les retards dans les diagnostics et les traitements. Tout retard complique invariablement la recherche des contacts et la mise en œuvre de mesures de santé publique efficaces pour maîtriser ou empêcher la transmission du virus.
En réponse à la pandémie de COVID-19, l’initiative concernant les collectivités nordiques, éloignées et isolées a été mise sur pied au début de 2020 afin que les habitants de ces collectivités partout au Canada aient un accès équitable aux soins de santé. Cette initiative assure la distribution prioritaire du matériel nécessaire aux tests aux points de service dans les collectivités où vivent de nombreux membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
En consultation avec les provinces et les territoires, les responsables de l’initiative collaborent étroitement avec les dirigeants et les conseils communautaires afin de déterminer les exigences de dépistage communautaire pour s’assurer que leurs systèmes coordonnés de santé publique possèdent des fonctions de dépistage. En date du 16 janvier 2022, 651 outils employés pour le dépistage et 1 196 039 trousses de dépistage ont été envoyés à plus de 300 collectivités nordiques, éloignées et isolées afin de les aider à faire du dépistage. Le Laboratoire national de microbiologie continue de recevoir des demandes d’engagement, d’instruments, de formation et de soutien.
Comme l’a déclaré le ministre de la Santé, au Canada, on a observé une hausse exponentielle de la demande pour des tests de dépistage rapide et des efforts de dépistage accrus. Les provinces et les territoires ont également adapté leurs programmes de manière à recourir plus intensément aux tests de dépistage rapide. En quelques semaines, en novembre 2021, la demande des provinces et des territoires pour des tests antigéniques rapides a grandement augmenté, car les laboratoires de diagnostic par test PCR des provinces et des territoires étaient débordés. Les provinces et les territoires se sont donc tournés vers les tests de dépistage rapide de la COVID-19 pour confirmer les cas positifs. Il faut donc un approvisionnement régulier pour assurer un accès équitable aux tests de dépistage de la COVID-19. Nous devons accroître l’accès à ces tests, et il faut le faire dès maintenant.
Honorables sénateurs, les provinces et les territoires ont demandé de l’aide. Ils ont demandé des millions de tests de dépistage rapide, et il leur en faut rapidement. Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à prendre en main leur propre santé et celle de leurs proches. Nous avons tous vu les reportages qui faisaient état des longues files d’attente et de la forte demande pour les tests de dépistage rapide lorsqu’on a commencé à en distribuer. Des gens ont attendu des heures par un froid glacial pour en obtenir. Bon nombre d’établissements n’en avaient tout simplement pas assez. Le projet de loi C-10 accordera à Santé Canada les moyens d’acheter et de distribuer les millions de tests dont les Canadiens ont besoin pour se protéger et protéger leurs proches.
L’adoption du projet de loi C-10 permettrait également à Santé Canada d’assurer un accès équitable dans la totalité des provinces et des territoires. Il refléterait les engagements pris dans la Mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui propose un financement supplémentaire de 1,7 milliard de dollars pour l’achat et la distribution de tests rapides au Canada, ce que l’on retrouve actuellement dans le projet de loi C-8 se trouvant à l’étude à l’autre endroit.
Le gouvernement achète et fournit gratuitement des tests rapides pour dépister la COVID-19 aux provinces et aux territoires depuis octobre 2020, à la suite de l’homologation du premier test rapide de dépistage de cette maladie. Étant donné la demande élevée et pour accélérer la livraison de ces tests au cours des prochains mois, le projet de loi C-10 vise à demander un financement de 2,5 milliards de dollars pour l’achat de tests et la fourniture d’espaces d’entreposage supplémentaires et du soutien logistique requis pour assurer la distribution en temps opportun des tests rapides de dépistage de la COVID-19. Le gouvernement ne ménagera aucun effort pour continuer de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, avec ses partenaires autochtones et avec d’autres intervenants, afin d’accorder la priorité à la santé et à la sécurité des Canadiens. Étant donné l’approvisionnement mondial limité et l’engagement du gouvernement à fournir un accès équitable aux tests pour tous les Canadiens, le projet de loi C-10 vise à demander un financement supplémentaire pour l’acquisition de tests rapides durant l’hiver et au printemps.
Alors que le Canada se dirige vers un assouplissement des mesures de santé publique, je demande respectueusement que nous adoptions rapidement ce projet de loi, afin de permettre au gouvernement de répondre aux demandes croissantes de tests rapides émanant des provinces et des territoires. Il s’agit d’un outil précieux qui permettra aux gouvernements de lever graduellement les mesures de santé publique, tout en continuant d’assurer la santé et la sécurité des Canadiens. Je vous remercie, honorables sénateurs.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)
La Loi sur la sécurité de la vieillesse
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Jane Cordy propose que le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Supplément de revenu garanti), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que j’interviens aujourd’hui au Sénat sur le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe pour discuter du projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Supplément de revenu garanti).
Cette mesure législative a pour objet d’exclure du calcul du Supplément de revenu garanti ou de l’allocation les prestations liées à la pandémie versées depuis juillet 2022. Autrement dit, les prestations de Supplément de revenu garanti ou d’allocation versées aux personnes âgées vulnérables à faible revenu ne seront pas réduites, même si ces personnes ont reçu des prestations liées à la pandémie. Honorables sénateurs, je vais expliquer un peu plus en détail le projet de loi, ainsi que les raisons pour lesquelles ces modifications sont nécessaires.
Le projet de loi est très court, mais comme vous le savez, il est extrêmement important pour bon nombre de personnes âgées au Canada qui reçoivent des prestations de Supplément de revenu garanti ou d’allocation. Comme vous le savez, honorables sénateurs, le gouvernement a mis en œuvre des mesures d’aide liées à la pandémie, telles que la Prestation canadienne d’urgence, communément appelée PCU, et la Prestation canadienne de la relance économique, pour soutenir les Canadiens qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie.
Le Parlement a approuvé la Prestation canadienne d’urgence rapidement, en 2020, pour aider les gens à éviter des pertes de revenu catastrophiques.
(1540)
Honorables sénateurs, il a fallu approuver la PCU rapidement, car beaucoup de Canadiens souffraient financièrement de la pandémie. Je crois que, au moment où nous avons évalué la PCU, nous comprenions tous à quel point elle était importante pour les Canadiens.
La PCU, puis la Prestation canadienne de la relance économique ont bel et bien aidé les Canadiens. En effet, les mesures législatives ont aidé des millions de Canadiens jeunes et moins jeunes à passer à travers une période sans précédent.
Les programmes de soutien financier ont été mis sur pied rapidement en réaction à la pandémie, et les prestations ont été rendues imposables afin de prévenir les abus.
Honorables sénateurs, voici la liste des prestations qui, à l’avenir, seront exclues du calcul du revenu aux fins du Supplément de revenu garanti ou des allocations : la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, y compris tout montant versé en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, la Prestation canadienne de relance économique, la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement.
Malheureusement, comme ces prestations ont été rendues imposables, certains de nos aînés les plus vulnérables ont eu des difficultés financières parce qu’ils avaient participé à ces programmes de soutien. Perdre une partie de leur revenu mensuel a été un problème important pour ces personnes, car trop d’aînés canadiens ont un revenu mensuel limité. C’est dû au fait que les prestations du Supplément de revenu garanti, qui est versé aux personnes âgées à faible revenu, sont calculées en fonction du revenu total des prestataires de la Sécurité de la vieillesse.
L’allocation est une prestation basée sur le revenu qui est versée aux personnes de 60 à 64 ans dont l’époux ou le conjoint de fait est admissible au Supplément de revenu garanti ou qui sont veuves.
Tous les mois de juillet, on réévalue l’admissibilité du bénéficiaire à ces prestations fondées sur le revenu en se basant sur son revenu individuel ou sur son revenu combiné de l’année précédente. En raison des modalités applicables, les prestations peuvent augmenter, diminuer ou même cesser selon les changements au revenu annuel net de la personne. Cela permet de s’assurer que les prestations sont offertes à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les aînés à faible revenu.
Voici en quoi le projet de loi C-12 corrigerait une injustice. Au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, les prestations liées à la pandémie constituent un revenu imposable. Malheureusement, cela signifie que certains bénéficiaires du Supplément de revenu garanti et des allocations doivent faire face à une réduction de leurs paiements mensuels en raison des prestations liées à la pandémie qu’ils ont reçues.
Il a été établi que certains aînés ont souffert financièrement de cette situation, et je crois qu’il est essentiel de corriger la situation avant la prochaine réévaluation, en juillet 2022. Ainsi, on pourra éviter que des aînés subissent les mêmes pertes financières que l’année dernière.
Le gouvernement a remédié à ces pertes financières subies par les aînés à faible revenu l’année dernière. Dans le cadre de la mise à jour économique et financière de 2021, le gouvernement a réservé des fonds pour offrir aux aînés qui avaient subi des conséquences négatives un paiement forfaitaire non imposable couvrant la totalité des pertes.
Ces aînés recevront leur paiement forfaitaire en mai 2022. Les fonctionnaires travaillent fort en vue de verser certains paiements plus tôt aux aînés les plus démunis sur le plan financier.
Le paiement unique contribuera à atténuer les difficultés financières des bénéficiaires du Supplément de revenu garanti et des allocations qui ont reçu des prestations d’urgence liées à la pandémie en 2020 et qui ont dû faire face à une réduction ou à une perte du Supplément de revenu garanti ou des allocations à partir de juillet 2021.
Le montant de chaque paiement variera et sera égal au montant annualisé de la réduction des prestations du Supplément de revenu garanti ou de l’allocation. Il est clair que cette approche n’est pas une façon efficace de procéder pour les réévaluations futures. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est donc nécessaire pour effectuer des paiements automatiques aux personnes âgées les plus vulnérables, et les fonds seront versés rapidement.
Honorables sénateurs, le processus devrait être aussi simple que possible. Le projet de loi rendra le processus automatique, et les personnes âgées qui ont droit au paiement unique le recevront automatiquement, de la même façon qu’elles ont reçu leurs prestations du Supplément de revenu garanti ou d’allocation, c’est-à-dire mensuellement.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-12 corrige une iniquité imprévue dans les programmes de soutien financier liés à la pandémie. Il fera en sorte que les personnes âgées ne verront plus leurs prestations de Supplément de revenu garanti ou d’allocation réduites de nouveau si elles ont reçu ou qu’elles touchent des prestations liées à la pandémie.
Honorables sénateurs, voilà l’objectif du projet de loi. Si le projet de loi C-12 est adopté, les prestations fédérales liées à la pandémie seraient exemptées du calcul du Supplément de revenu garanti et des allocations à compter de juillet de cette année. Le projet de loi C-12 assurera la tranquillité d’esprit des aînés en protégeant leurs prestations du Supplément de revenu garanti, en plus de leur donner la certitude que les prestations liées à la pandémie n’auront dorénavant pas de conséquences négatives sur le Supplément de revenu garanti.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit plus tôt, le projet de loi C-12 est peut-être bref, mais il est extrêmement important pour de nombreux aînés canadiens, et j’espère que vous l’appuierez. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Sénatrice Cordy, deux sénateurs ont levé la main pour poser une question. Accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Cordy : Oui.
Son Honneur le Président : Sénateur Tannas, la sénatrice Cordy accepte de répondre à une question.
L’honorable Scott Tannas : Je vous remercie, sénatrice Cordy. Il s’agit d’un projet de loi important. J’ai hâte qu’il soit renvoyé au comité et, si je comprends bien, ce sera bientôt le cas.
J’aimerais avoir votre point de vue à propos d’un scénario et savoir si un comité devrait en faire l’examen. Je me préoccupe des aînés qui recevaient le Supplément de revenu garanti, et qui le reçoivent peut-être encore aujourd’hui, à qui un préposé de Service Canada, un comptable ou un membre de la famille a conseillé de ne pas demander la PCU parce qu’il était évident que cela aurait un effet sur le Supplément de revenu garanti. Sommes-nous en train de faire en sorte qu’un groupe de Canadiens qui ont suivi les règles, à qui l’on a conseillé de suivre les règles ou qui ont bien compris les règles et qui ont choisi à contrecœur de ne pas demander la PCU, seront maintenant laissés pour compte, alors que d’autres, qui ne connaissaient pas les règles et ont demandé la PCU, obtiendront maintenant une compensation?
La sénatrice Cordy : Merci, sénateur Tannas. Vous soulevez là une question fort intéressante, à laquelle j’ai déjà réfléchi. J’ai lu quelques documents faisant état de situations similaires de personnes qui ont demandé, ou pas, la Prestation canadienne d’urgence.
J’ai parcouru des rapports d’autres groupes de travail qui sont au fait des discussions sur le projet de loi. Lorsque cette question a été posée, ces groupes de travail ont souligné la difficulté de retourner deux ans en arrière. C’est très difficile de se lancer rétrospectivement dans des hypothèses et de formuler toutes sortes de suppositions. Mais je pense que vous avez soulevé un bon point. Je crois qu’un membre de votre groupe est vice-président de ce comité. Je sais que la ministre et des représentants du gouvernement comparaîtront avant le retour du Sénat la semaine prochaine. Je pense que cette question devrait leur être posée, à eux plutôt qu’à moi.
Les commentaires que j’ai entendus portaient sur la difficulté de retourner en arrière et sur le danger de se perdre en hypothèses, mais je pense qu’un membre de votre groupe souhaiterait peut-être poser cette question au comité.
L’honorable Ratna Omidvar : Merci. La sénatrice Cordy accepterait-elle de répondre à une question? Sénatrice Cordy, ce projet de loi est tout simple, mais important. Je vous suis très reconnaissante de le vulgariser pour nous.
Ma question porte sur les bénéficiaires du Supplément de revenu garanti qui ont subi une diminution marquée de leur revenu mensuel. Comme nous le savons tous, pour les personnes qui sont serrées financièrement, chaque billet de 10 $ compte.
(1550)
Je me demande si vous pouvez nous dire combien de prestataires du Supplément de revenu garanti ont vu leurs prestations être réduites.
La sénatrice Cordy : Je ne peux pas répondre à cette question. J’ai vu un chiffre quelque part. J’y ai prêté attention. Il n’était probablement pas aussi élevé que ce à quoi je me serais attendue. Cela dit, ce serait une autre bonne question à poser.
La situation a été très difficile pour les aînés à revenu fixe qui ont soudainement cessé de recevoir le Supplément de revenu garanti. Je pense que c’est la raison pour laquelle cette mesure législative est présentée : le gouvernement a reconnu qu’il y avait bel et bien un problème. Des aînés, dont un grand nombre ne peut pas travailler, ont soudainement cessé de recevoir le Supplément de revenu garanti. C’est pour cette raison qu’ils recevront un paiement unique en mai ou, espérons-le, un peu plus tôt, en mars ou en avril, pour ceux qui vivent des conditions extrêmement difficiles. Ils recevront un paiement unique pour compenser les réductions pendant l’exercice 2020 et au début de 2021.
Si le projet de loi est adopté, cette façon de faire sera automatique. Le montant sera inclus, comme il l’était antérieurement, dans la pension de vieillesse qu’ils reçoivent mensuellement.
L’honorable Kim Pate : Merci d’avoir présenté ce projet de loi, sénatrice Cordy.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-12 fait suite aux aides directes au revenu fournies par le gouvernement, qui ont été vitales pendant la pandémie.
Tous ces programmes, en particulier la Prestation canadienne d’urgence, ont amélioré fondamentalement la vie de nombreuses personnes ayant perdu leur travail ou leur revenu en raison de la pandémie. Cette aide a permis aux gens de se concentrer sur leur santé et leur bien-être, et celui de leur famille et de leur communauté, sans avoir à trop s’inquiéter pour nourrir leur famille ou payer leur loyer.
Nous continuons d’applaudir le gouvernement pour avoir mis en place la PCU et d’autres aides, ainsi que pour avoir exprimé son intention de ne laisser personne de côté.
Nous devons aussi continuer de réclamer que le gouvernement respecte cette promesse en lui demandant d’agir vite pour résoudre les déplorables lacunes et inégalités qui participent encore à la stigmatisation, à l’exclusion et à l’abandon dont sont victimes des millions de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté.
Le projet de loi C-12 s’ajoute à une série d’ajustements et de correctifs visant à s’assurer que les aides au revenu sont bien versées aux personnes dans le besoin, qui ont bien trop souvent à lutter dans les méandres d’un système qui est cruellement soupçonneux, complexe, inflexible et totalement insuffisant.
Ce projet de loi illustre combien les règles restrictives, opposées et contradictoires de ces programmes — qui visent à apporter un soutien économique direct aux personnes dans le besoin, en particulier aux plus nécessiteux — entrent en conflit de telle manière qu’elles rendent encore plus précaires et pauvres ceux qui ont justement le plus besoin d’aide.
Pour plus de 200 000 aînés ayant les revenus les plus faibles au Canada, le fait d’accepter les versements au titre de la PCU auxquels ils avaient droit pour tenter d’éviter de se retrouver dans une fâcheuse situation financièrement en 2020 leur a fait perdre une partie ou la totalité des paiements auxquels ils avaient droit au titre du Supplément de revenu garanti dont ils avaient besoin pour joindre les deux bouts en 2021.
Au cas où ce ne serait pas clair, rappelons, chers collègues, que pour avoir droit à la PCU, ces aînés font partie des personnes les plus marginalisées économiquement au pays. Ce sont des gens qui se retrouvent dans la pauvreté après l’âge de retraite, qui sont obligés de travailler pour joindre les deux bouts, et qui occupent généralement un emploi précaire rémunéré au salaire minimum, ce qui ne leur permet pas de dépasser le seuil de pauvreté.
De nombreuses autres formes d’aide au revenu destinées aux personnes les plus marginalisées ont également donné lieu à des réductions ou des récupérations pour les bénéficiaires de la PCU, qu’il s’agisse de l’aide sociale ou de prestations d’invalidité dans de nombreuses provinces et un territoire, ou de la Prestation canadienne pour enfants.
Le projet de loi C-12 ferait en sorte qu’à l’avenir, les aînés ne seraient pas pénalisés par des réductions des prestations du Supplément de revenu garanti pour avoir accepté la PCU ou d’autres mesures de soutien semblables liées à la pandémie. Il s’agit d’une occasion extraordinaire et bien nécessaire de faire un pas dans la bonne direction.
La plupart des programmes de soutien du revenu n’offrent que le minimum d’aide financière et, dès que le bénéficiaire trouve une autre source de revenus, ils récupèrent agressivement et de façon punitive les montants déjà insuffisants qu’ils versent. Ces programmes ont été conçus sur la prémisse voulant qu’il faille s’attendre au pire des personnes qui vivent dans la pauvreté, que ces dernières cherchent à frauder le système plutôt qu’à nourrir, habiller et loger leur famille et à répondre à ses besoins. Pire encore, cette façon de faire garde les gens prisonniers non seulement de la pauvreté, mais d’une crise perpétuelle où ils n’ont pas assez d’argent pour survivre et où ils verront leurs prestations réduites s’ils gagnent le moindre dollar.
Le projet de loi C-12 s’éloigne de cette approche. C’est un progrès encourageant vers une politique de lutte contre la pauvreté axée sur la réponse aux besoins des gens plutôt que de les laisser vivre dans une pauvreté abjecte.
En raison de ces arguments, j’ajoute ma voix aux nombreuses autres que nous avons entendues aujourd’hui en appui au projet de loi C-12, mais je demande aussi que d’autres mesures décisives soient prises pour éradiquer la pauvreté, notamment l’instauration d’un revenu minimum garanti tel que proposée dans le projet de loi S-233 et le projet de loi C-223.
Pendant la pandémie, le gouvernement a montré une ouverture louable à adapter ses mesures de soutien du revenu afin de rejoindre ceux qui sont laissés de côté. Malheureusement, les quelque 3,5 millions de Canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté ont subi de façon disproportionnée les conséquences du délai nécessaire pour ajuster la couverture dans l’approche étape par étape qui a été employée.
Le projet de loi C-12 est essentiel, mais l’aide prévue aux termes de cette mesure législative ainsi que l’indemnité ponctuelle pour compenser la récupération fiscale du Supplément de revenu garanti arriveront beaucoup trop tard pour de nombreux aînés qui, depuis juillet 2021, se privent de manger ou de médicaments et n’arrivent plus à se loger. Comme l’indique le réseau Campagne 2000, de nombreux aînés ont contracté des emprunts à des taux usuraires pour payer le loyer. De nombreux autres ont été expulsés ou risquent de l’être avant que ces nouvelles mesures d’aide gouvernementale ne prennent effet. Les aînés qui ont perdu leur maison pendant la pandémie — et qui ont été confrontés à un hiver particulièrement froid — n’ont absolument nulle part où aller.
Pour bon nombre d’aînés, la perte des prestations du Supplément de revenu garanti entraîne la perte d’autres prestations et services provinciaux et territoriaux offerts uniquement aux personnes admissibles au Supplément de revenu garanti.
Même une fois que le projet de loi C-12 entrera en vigueur, certains aînés qui ont demandé en toute bonne foi la PCU pour ensuite se rendre compte qu’ils n’y étaient pas admissibles, sont encore confrontés à la possibilité d’avoir à rembourser le gouvernement. Or, ces aînés ont utilisé les paiements de PCU pour acheter de la nourriture et payer le loyer et d’autres éléments essentiels à la survie. Alors que le gouvernement sévit trop rarement contre l’évitement et l’évasion fiscale pratiqués par les sociétés, manœuvres qui coûtent des milliards de dollars aux Canadiens, les personnes âgées dans le besoin devront-elles utiliser les prestations du Supplément de revenu garanti — qui leur sont pourtant vitales — pour rembourser la PCU?
Il convient de mentionner que, quand nous parlons de l’admissibilité à la PCU des Canadiens qui vivent sous le seuil de pauvreté, la plupart de ceux qui étaient inadmissibles l’étaient parce que leur revenu était trop faible. Ils ont gagné moins 5 000 dollars l’année précédente.
La PCU a été créée en raison des lacunes des réponses actuelles à la pauvreté. Lorsque des millions de Canadiens qui ne vivaient pas déjà sous le seuil de pauvreté ont été confrontés à une perte économique soudaine en raison de la pandémie, il a fallu créer la PCU pour éviter qu’ils n’aient d’autre choix que de se tourner vers les programmes d’aide sociale provinciaux et territoriaux totalement inadéquats, déshumanisants et stigmatisants — des programmes auxquels les gens ne peuvent pas accéder avant d’avoir épuisé toutes leurs économies et perdu tous leurs actifs et qui les maintiennent dans une extrême pauvreté.
En l’absence de mesures plus permanentes et inclusives comme un revenu de base garanti, un Canadien sur dix continue d’être abandonné à ce statu quo inacceptable. Comment pouvons-nous justifier un programme comme la PCU, qui reconnaît si clairement que les systèmes actuels de lutte contre la pauvreté sont intenables, mais refuser de soutenir les personnes qui sont piégées dans ces systèmes?
Le gouvernement a déjà pris des mesures essentielles en faveur de formes plus inclusives de soutien au revenu. Au cours de la dernière législature, il a présenté un projet de loi qui visait à instaurer une forme de revenu de base garanti pour les personnes handicapées, et il s’est engagé à présenter à nouveau ce projet de loi.
Le Supplément de revenu garanti dont il est question dans le projet de loi C-12, qui fonctionne également comme une version limitée d’un revenu de base garanti, démontre ce que la prestation d’invalidité du Canada peut offrir à elle seule et comme étape supplémentaire vers un revenu de base garanti pour tous les Canadiens.
Bien que les circonstances entourant le projet de loi C-12 renforcent l’idée voulant que le Supplément de revenu garanti n’ait pas éradiqué la pauvreté ni l’incertitude économique chez les personnes âgées, le programme a entraîné une baisse importante du taux de pauvreté. Ainsi, environ 8 % des personnes âgées vivant seules vivent actuellement dans la pauvreté, par rapport à 32 % des adultes de moins de 65 ans vivant seuls.
Le gouvernement a créé le Supplément de revenu garanti à la fin des années 1960, à une période où l’on prenait des mesures concrètes pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, car on considérait qu’il était inacceptable de laisser des personnes âgées au Canada souffrir de la faim et vivre en situation d’itinérance. Parce que les mécanismes de soutien offerts aux Canadiens en âge de travailler ne sont pas suffisants, un trop grand nombre d’entre eux vivent dans la pauvreté toute leur vie.
(1600)
Pour illustrer la différence entre les programmes d’aide sociale offerts aux jeunes adultes et le Supplément de revenu garanti, l’économiste Evelyn Forget, qui est aussi une sommité canadienne sur la question du revenu minimal garanti, utilise souvent des cas vécus, comme celui de Bill.
Bill travaillait dans une banque alimentaire de Winnipeg. Il recevait aussi de l’aide sociale, en plus de fréquenter la banque alimentaire où il travaillait. Il a vécu dans une minuscule pension où il n’y avait qu’une seule douche, qui était inutilisable jusqu’à ce que sa vie change du tout au tout. À partir du moment où il a eu 65 ans, il a eu droit au Supplément de revenu garanti. Même si ce supplément ne suffit pas toujours à sortir les prestataires de la pauvreté, Bill a vu son revenu doubler grâce à lui. Le Supplément de revenu garanti lui permettait de recevoir deux fois plus que ce qu’il touchait en aide sociale. Il a donc pu louer un petit appartement avec une porte qu’il pouvait fermer à clé et une salle de bain fonctionnelle. Fini le temps où il devait porter tous ses vêtements par crainte de se les faire voler. Pour la première fois de sa vie, il pouvait se faire lui-même à manger et acheter plusieurs boîtes de fèves au lard ou de chili à la fois au lieu d’avoir à payer un supplément pour un repas préemballé ou à faire la file durant des heures à la soupe populaire.
Ce qui est triste dans l’histoire de Bill, c’est qu’il a dû attendre très longtemps, jusqu’à un âge avancé, pour pouvoir bénéficier d’une aide suffisante pour lui assurer cette stabilité relative. Le revenu de base garanti donnerait aux gens une vraie chance de sortir du cercle vicieux de la pauvreté beaucoup plus tôt dans la vie. Il offrirait aux gens la sécurité et les ressources nécessaires pour se ressaisir et planifier leur avenir de sorte que leur pauvreté serait temporaire, et non permanente.
Je pense notamment aux jeunes qui quittent les services de protection de la jeunesse et qui n’ont personne pour les soutenir, aux jeunes adultes qui n’ont pas les moyens de faire des études postsecondaires ou qui doivent concilier études et emploi à temps plein, aux nouveaux diplômés qui espèrent trouver un emploi stable dans leur domaine, mais qui sont contraints de se tourner vers le travail à la demande pour survivre, aux jeunes familles qui tentent de prendre soin de leurs enfants, aux mères seules qui quittent le foyer qu’elles partageaient avec un partenaire violent, aux travailleurs des secteurs en difficulté et aux personnes qui doivent faire face à une maladie subite ou qui ont des responsabilités de soignants. Il ne s’agit là que de quelques exemples de personnes au Canada qui souffrent d’incertitude économique et pour qui les systèmes de soutien actuels du Canada fonctionnent trop souvent comme une toile d’araignée qui les emprisonne au lieu d’un trampoline qui leur offre la possibilité de rebondir.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-12 permettra aux aînés les plus démunis de ne pas perdre les soutiens au revenu sur lesquels ils comptent pour survivre.
Pour l’instant, adoptons ce projet de loi, puis travaillons tous ensemble avec une énergie renouvelée à aider le gouvernement à poursuivre le travail essentiel qu’il a entrepris en veillant à ce que les aînés et tous les Canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté aient accès aux programmes sociaux, économiques et en matière de santé dont ils ont besoin pas seulement pour subsister, mais aussi pour s’épanouir.
Ainsi, nous pourrons semer les graines de l’inclusion et contribuer à réduire les écarts que la pandémie et les événements récents ont brutalement mis en relief. J’ai hâte de poursuivre cette démarche avec vous tous. Comme nous le demandent les gens de l’Île-du-Prince-Édouard, agissons.
Meegwetch, merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Sénatrice Pate, acceptez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Pate : Oui.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénatrice Pate, j’ai une question au sujet de ce que vous avez dit sur la bonification du revenu minimum garanti. Qu’avez-vous à dire au sujet du fait que, selon les recherches disponibles, le populisme, y compris ce que nous avons pu voir au pays ces deux dernières semaines, prend racine dans la disparité économique et l’inégalité des chances?
La sénatrice Pate : C’est un très bon survol de la recherche disponible à l’heure actuelle. Je vous remercie de l’avoir souligné.
Oui, comme je l’ai récemment mentionné dans mon discours sur certains des enjeux en cause, c’est essentiel. Il ne fait aucun doute que ce soit l’un des principaux problèmes qui attisent le mécontentement et qui poussent certaines personnes vers des individus ou des groupes leur laissant croire qu’ils vont leur fournir l’aide voulue, mais ne contribuant pas nécessairement à leur bien‑être général.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La sénatrice Omidvar : Sénatrice Pate, j’aimerais d’abord vous exprimer mon admiration pour votre dévouement continu à défendre les personnes à faible revenu. Je crois que vous avez expliqué — à juste titre — que c’est le résultat des lacunes dans la conception des stratégies et des politiques, qui engendrent des mesures draconiennes et punitives de récupération de sommes versées dans le cadre de programmes fondés sur le revenu. Toutefois, je me demande si, selon vous, ce projet de loi pourrait ouvrir la porte à la modification des politiques de récupération de sommes versées dans le cadre d’autres programmes, notamment l’Allocation canadienne pour enfants et les prestations d’invalidité.
La sénatrice Pate : Je l’espère assurément. Je vous remercie de vos efforts soutenus pour défendre l’intérêt de la population dans ce dossier, et dans bien d’autres d’ailleurs.
L’honorable Diane F. Griffin : Je prends la parole aujourd’hui en faveur du projet de loi C-12. Je souhaite qu’il franchisse l’étape de la deuxième lecture et qu’il soit renvoyé au comité, où il sera possible de l’examiner et, éventuellement, de corriger une erreur de rédaction.
Le 24 novembre, j’ai signalé cette erreur de rédaction au sénateur Gold pendant la période des questions du Sénat. Signalons que la Loi no 1 d’exécution du budget de 2021 contient une erreur de numérotation des articles, qui s’est produite lorsqu’un amendement de la Chambre des communes a éliminé un article.
Quand le projet de loi est arrivé au Sénat, le gouvernement a demandé qu’il ne soit pas renvoyé au comité, où le bureau du légiste aurait normalement repéré promptement cette erreur et l’aurait signalée au Sénat pour qu’elle soit corrigée. Je suis certaine que, si le bureau du légiste n’avait pas repéré l’erreur, la sénatrice Marshall l’aurait fait. Toutefois, comme le gouvernement nous avait demandé d’agir vite, nous avons négligé l’une des tâches fondamentales qui nous incombent à titre de Chambre de second examen. Sénateurs, je vois maintenant que, trop pressés d’adopter le projet de loi C-12, nous sommes en train de refaire la même erreur.
Chers collègues, je laisserai à d’autres personnes qui connaissent mieux que moi les questions financières et les bases de données du gouvernement le soin de contester l’affirmation d’Emploi et Développement social Canada, qui dit qu’il lui sera impossible de mettre en œuvre les changements nécessaires dans le système de la Sécurité de la vieillesse si la mesure ne reçoit pas la sanction royale d’ici le 4 mars. Ce raisonnement sera évalué pendant l’examen en comité.
Chers collègues, je voudrais plutôt revenir sur cette erreur de rédaction et discuter des raisons pour lesquelles elle pose problème. En un mot, les fonctionnaires violent actuellement la loi. Quelle est l’erreur en question? Dans la section 31 de la Loi d’exécution du budget de 2021, intitulée « Majoration de la pension de vieillesse et paiement », l’article 268 exclut du revenu annuel le paiement unique de 500 $ aux pensionnés de la Sécurité de la vieillesse âgés de 75 ans et plus. Ainsi, les prestations n’auraient aucune incidence sur le seuil de récupération de la Sécurité de la vieillesse ou d’autres prestations fondées sur le revenu telles que celles du Supplément de revenu garanti. Toutefois, cet article renvoie de façon erronée à l’article 276, au lieu de renvoyer à l’article 275, qui porte sur le paiement unique de 500 $ prélevé sur le Trésor. L’article 276 renvoie plutôt à des modifications apportées à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.
Le 24 novembre, le sénateur Gold a répondu ainsi à ma question :
Le gouvernement m’a assuré que le problème qui a été cerné à la suite de l’adoption du projet de loi C-30 au Parlement n’aurait aucune incidence sur les prestations qui ont été ou qui seront versées aux aînés du pays.
Toutefois, lorsque j’ai parlé aux fonctionnaires lors d’une séance d’information technique tenue récemment, ces derniers ont reconnu qu’il y avait une erreur de rédaction. Ils ont dit que le gouvernement ne se conforme pas à la lettre de la loi, selon laquelle, techniquement, le paiement unique de 500 $ n’est pas exclu du calcul des prestations de Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti.
(1610)
Selon eux, il était acceptable de faire fi de la loi parce qu’ils s’attendaient, à un moment donné, à ce que cette erreur de rédaction soit corrigée dans le cadre du programme de correction des lois. J’attire votre attention sur le fait que ce programme a été utilisé pour la dernière fois en 2017. De façon générale, on n’y a pas recours pour un seul élément, mais pour un regroupement de points à corriger.
Honorables sénateurs, selon le site Web du ministère de la Justice, ce programme se limite à apporter, dans le cadre d’un projet de loi, certaines modifications mineures et non controversées à un ensemble de lois fédérales plutôt que de le faire dans le cadre d’une mesure législative propre à chacune de celles-ci. Le programme s’appuie également sur le principe qu’aucun membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne s’opposera à une modification considérée comme non controversée.
Chers collègues, une erreur de rédaction qui entraîne un renvoi à une loi complètement différente va bien plus loin qu’une simple modification de forme.
Emploi et Développement social Canada enfreint la loi en demandant à ses employés de programmer la base de données d’une façon qui n’est pas conforme à la loi parce qu’il s’attend à ce que l’erreur de rédaction soit corrigée à un moment donné. Cette situation est inacceptable, et la solution évidente se trouve devant nous : le projet de loi C-12.
Le projet de loi C-12 vise à garantir que certaines prestations versées depuis le début de la pandémie n’ont pas d’incidence sur les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti versées aux aînés en les exemptant de la classification des revenus aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. C’est ce projet de loi que nous devrions amender pour corriger l’erreur concernant le paiement unique de 500 $.
Je vous rappelle que le programme de correction des lois a pour objet d’apporter une série de changements quand il est impossible de modifier la loi existante. Cependant, ce n’est pas le cas ici. Nous pouvons corriger cette erreur et confirmer notre rôle en tant qu’organe de révision.
Honorables collègues, il est impossible d’accepter que les fonctionnaires veulent précipiter l’adoption du projet de loi C-12 pour respecter le délai arbitraire — j’oserais même dire, artificiel — du 4 mars en vue de pouvoir programmer la base de données en conséquence, alors qu’ils ne tiennent même pas compte de ce que le texte de la loi dit sur le paiement de 500 $. Si Emploi et Développement social Canada ne semble pas dérangé par une erreur de rédaction et ignore les conséquences juridiques que pourrait avoir le non-respect de la primauté du droit, pourquoi est-il urgent de faire adopter le projet de loi C-12 d’ici le 4 mars? C’est une bonne question.
Honorables sénateurs, je propose la solution suivante : nous prenons le temps nécessaire, d’une part, pour amender le projet de loi afin de corriger l’erreur de rédaction et, d’autre part, pour amender la disposition d’entrée en vigueur afin que le libellé indique que le projet de loi est entré en vigueur le 4 mars, ce qui prescrit la rétroactivité juridique. Ainsi, EDSC pourrait apporter les changements voulus, y compris corriger l’erreur de rédaction, en ayant à l’esprit que ces décisions auront une valeur légale.
Honorables sénateurs, c’est peut-être une question que le comité voudra examiner afin que nous puissions nous acquitter de notre tâche et qu’EDSC puisse en faire autant. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Griffin : Bien entendu.
Le sénateur Gold : Je vous remercie d’avoir soulevé ce point.
En ce qui concerne l’erreur de rédaction, je pense que le problème de numéro que vous avez mentionné fait référence à un autre article de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. J’ai aussi été informé que des fonctionnaires nous ont déjà avisé que cela n’aura aucune incidence physique sur le versement des prestations pour les aînés et que le gouvernement corrigera éventuellement cette mesure au moyen d’une nouvelle disposition législative.
Par conséquent, n’est-il pas important de tout mettre en œuvre pour que les aînés ne subissent aucune répercussion en veillant au bon déroulement des opérations pour ne pas nuire à des milliers d’aînés?
La sénatrice Griffin : Je vous remercie de votre question. Oui, je suis entièrement d’accord pour dire qu’il s’agit d’un point très important et c’est pourquoi je veux que le projet de loi soit renvoyé à un comité afin de bien faire les choses.
Vous avez parlé d’une éventuelle disposition législative. Dois-je comprendre que vous faites référence à la loi d’exécution du budget que nous attendons?
Son Honneur le Président : Sénateur Gold, je ne pense pas que c’est le moment prévu dans le débat pour que vous répondiez à des questions. Vous avez le choix : vous posez une autre question à la sénatrice Griffin ou nous poursuivons le débat.
Le sénateur Gold : Je n’ai plus de question. Merci.
La sénatrice Cordy : Sénatrice, puis-je poser une question?
La sénatrice Griffin : Certainement.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie, sénatrice Griffin, d’avoir signalé ce problème. Je pense qu’un certain nombre d’entre nous l’avaient remarqué en examinant le texte.
On m’a dit qu’il pourrait être réglé dans le cadre du programme de correction des lois. Nous y avons tous participé et nous savons qu’il s’agit de passer en revue de nombreuses modifications mineures et non controversées, comme le sénateur Gold l’a évoqué dans sa question. Vous avez également dit que peu importait la date à laquelle le projet de loi est adopté, que cela serait mis en place en juillet de toute façon, ou à la fin juin pour les aînés.
Avez-vous lu le témoignage d’un des représentants du ministère devant le comité de la Chambre qui dit qu’il est crucial que ce projet de loi soit adopté d’ici le début mars afin qu’il n’y ait pas de répercussions sur les droits aux prestations du Supplément de revenu garanti, qui prennent effet à compter de juillet? C’est ce qu’il a dit en substance, mais voici ce qu’il a dit exactement :
Les prestations du SRG sont renouvelées chaque année, en juillet, en fonction du revenu de l’année d’imposition précédente. Par conséquent, les changements que nous apportons au système se produisent toujours en mars, lorsque nous passons de l’année d’imposition précédente à l’année d’imposition la plus récente.
Je me demandais juste si vous aviez lu cette déclaration et que vous compreniez les répercussions si nous n’acceptons pas de changer la numérotation comme vous avez suggéré de la faire par l’entremise du programme de correction des lois.
La sénatrice Griffin : Oui, je comprends ce qu’a dit le représentant du ministère. Je reviens à mon argument : la loi, c’est la loi. Nous avons l’occasion de corriger l’erreur de façon efficiente et rapide. Faisons-le. Nous pouvons voter aujourd’hui pour renvoyer le projet de loi au comité. Le comité pourrait se réunir la semaine prochaine et faire rapport au Sénat. Théoriquement, le Sénat pourrait renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes d’ici jeudi prochain.
Je ne sais pas quand sera la semaine de relâche de l’autre endroit — je sais qu’elle n’est pas toujours en même temps que la nôtre —, mais ce qui importe c’est que les députés peuvent corriger l’erreur rapidement et assez facilement dans ce projet de loi ou dans la loi d’exécution du budget très bientôt et s’assurer que l’application soit rétroactive. Ce ne serait pas la première fois qu’un gouvernement fait quelque chose du genre.
Merci de votre question.
L’honorable Pamela Wallin : Sénatrice Griffin, pourriez-vous expliquer pourquoi cela ne peut pas être fait de la façon que vous venez de décrire, ce qui serait à très court terme? Y a-t-il des éléments qui portent à croire que cela ne pourrait se faire au comité?
La sénatrice Griffin : Permettez-moi de m’exprimer ainsi. Je ne sais pas si vous étiez ici l’autre jour lorsque j’ai obtenu la réponse à ma question sur les régimes enregistrés d’épargne-études et les raisons pour lesquelles ils ne peuvent pas être protégés dans le cadre d’une procédure de faillite. Ce que j’ai reçu du représentant du gouvernement au Sénat était une liste de toutes les raisons pour lesquelles cela n’était pas possible. Ma réaction a été la suivante : ne vaut-il pas mieux trouver de bonnes raisons de faire quelque chose plutôt que des raisons de ne pas le faire? Peu importe si cela est pratique ou gênant. Ce qui compte, c’est que nous fassions ce qui est le mieux pour la population que nous représentons, et c’est la raison pour laquelle nous sommes ici.
La sénatrice Wallin : Je vous pose la question sincèrement parce que nous avons déjà eu ces problèmes à maintes reprises par le passé, mais n’est-il pas possible de proposer un amendement? Si cet amendement n’est pas adopté par le comité, n’est-il pas possible de le présenter au Sénat?
La sénatrice Griffin : Il pourrait être présenté au Sénat s’il n’est pas adopté par le comité. Je l’ai dans ma serviette.
(1620)
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Supplément de revenu garanti).
Comme l’a expliqué la sénatrice Cordy, ce projet de loi est simple. Il ne compte qu’un article qui modifie la définition du terme « revenu ». Or, après avoir examiné cet unique article, la sénatrice Griffin a découvert que le gouvernement s’est encore fourvoyé. Quoi qu’il en soit, cette mesure modifie la définition du terme « revenu » dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour exclure les prestations d’urgence liées à la pandémie du calcul des prestations du Supplément de revenu garanti et de l’allocation qui seront versées à compter de juillet 2022.
Les prestations versées à des aînés au titre de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence inscrites dans la partie VIII.4 de la Loi sur l’assurance-emploi, de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique ou de la Loi sur la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement n’entreront pas dans le calcul du revenu pour établir l’admissibilité aux prestations au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
Ces modifications n’auront aucune incidence sur les prestations de la Sécurité de la vieillesse parce que ces dernières ne sont pas fondées sur le revenu. Toutefois, elles auront une incidence sur les prestations et l’allocation du Supplément de revenu garanti.
Honorables sénateurs, le caucus conservateur souscrit à cette initiative. Nous disons depuis des mois que les aînés qui ont fait appel aux programmes d’aide liés à la pandémie ne devraient pas être pénalisés. Il est cruel de mettre en place une politique publique qui offre du soutien aux éléments les plus vulnérables de la société en cas de crise sanitaire, mais de permettre ensuite de récupérer les sommes versées à ce titre.
Cependant, nous n’appuyons pas l’incompétence qui a rendu ce projet de loi nécessaire. On nous demande à nouveau de corriger des erreurs qui ont été commises en raison de la mauvaise gestion du gouvernement libéral et de son mépris habituel pour le Parlement.
Permettez-moi de vous rappeler que la pandémie venait à peine de commencer que le gouvernement a tenté de s’octroyer le pouvoir d’augmenter les impôts, la dette et les dépenses sans l’approbation du Parlement pendant près de deux années complètes. Les pouvoirs qu’il demandait au Parlement d’approuver auraient expirés le 1er janvier 2022. Même en temps de guerre, les gouvernements ne disposaient pas de pouvoirs aussi étendus. Pourtant, le 4 mars 2020, le gouvernement a eu le culot de demander ces pouvoirs dans le tout premier projet de loi visant à lutter contre la COVID, le projet de loi C-13.
Les conservateurs ont dû se battre pour obtenir des dispositions de caducité relatives aux programmes liés à la COVID dans ce même projet de loi, car le gouvernement n’accorde aucune valeur à l’idée de dépenser avec responsabilité l’argent des contribuables. Nous avons dû insister pour que le gouvernement présente régulièrement des rapports de dépenses liées à la COVID aux Comités de la santé et des finances de la Chambre des communes, car le gouvernement n’accorde aucune valeur à la transparence. Nous avons dû insister pour que le Comité des finances de la Chambre des communes ait le droit de rappeler le Parlement si des abus étaient constatés, car le gouvernement n’accorde aucune valeur à la reddition de comptes.
Nous aurions dû nous douter que les mois suivants nous en feraient voir de toutes les couleurs, car nous avons vite constaté que l’incompétence et le mépris flagrant pour le Parlement dont nous étions témoins n’étaient que la pointe de l’iceberg.
Dès le début de la pandémie, le gouvernement a vite pris l’habitude de proposer des projets de loi bancals et de les présenter à la dernière minute, sans consulter les autres partis, puis d’exiger qu’ils soient adoptés en quatrième vitesse. Comme ils avaient pour ainsi dire le fusil sur la tempe, les sénateurs ont maintes et maintes fois obtempéré, pour le bien des Canadiens.
Vous vous souvenez peut-être de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial destinée aux petites entreprises. Ce programme, annoncé le 20 mai 2020, avait pour but de « fourni[r] du soutien aux petites entreprises qui ont des difficultés financières [...] » Le seul hic, c’est qu’il avait deux défauts de taille qui le rendaient inefficace.
Premièrement, il fallait que les entreprises aient subi une baisse de revenu d’au moins 70 % pour être admissibles. Deuxièmement, seuls les propriétaires des immeubles pouvaient en faire la demande, pas les entreprises elles-mêmes.
Le Parti conservateur a eu beau attirer l’attention sur ces problèmes moins de 24 heures après l’annonce du premier ministre et demandé au gouvernement d’y voir, celui-ci a attendu 26 semaines avant d’agir. Ce n’est en effet que le 19 novembre 2020 que la Chambre a été saisie d’une mesure législative visant à régler le problème que les conservateurs avaient mis au jour six mois auparavant.
Le seul problème, c’est que la nouvelle mesure législative qui prévoyait l’instauration de la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada contenait elle aussi une grave lacune : les entreprises devaient payer leur loyer avant d’être admissibles à l’aide devant leur permettre de payer ce loyer.
Si vous vous souvenez bien, le gouvernement a été mis au fait de l’erreur après la présentation du projet de loi à la Chambre des communes et il s’est empressé de la corriger au moyen d’un amendement. Malheureusement, après avoir commis une erreur dans la rédaction du projet de loi, le gouvernement en a commis une autre dans la rédaction de l’amendement. Le vice-président de la Chambre a donc dû le déclarer irrecevable.
Nous nous sommes donc retrouvés avec un projet de loi bancal au Sénat et nous avons dû nous soumettre au spectacle de la ministre des Finances nous assurant qu’elle allait dire à l’Agence du revenu du Canada de ne pas tenir compte des problèmes du projet de loi que nous étions sur le point d’adopter, car le gouvernement allait éventuellement présenter une mesure visant à corriger le problème.
Voici un autre exemple : le projet de loi C-17. Ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 10 juin 2020. Il avait quatre objectifs : apporter des changements à la Subvention salariale d’urgence du Canada; édicter la Loi sur les délais et autres périodes; autoriser l’Agence du revenu du Canada à communiquer des renseignements à d’autres organismes gouvernementaux afin de faciliter le versement d’un paiement unique aux personnes handicapées; et modifier la Loi sur la prestation canadienne d’urgence. Le problème, c’est qu’aucun de ces objectifs n’a été réalisé correctement car le gouvernement n’a pas mené de consultations.
À cette période, la Chambre des communes ne siégeait que quelques jours par semaine. Le chef conservateur Andrew Scheer a suggéré au gouvernement de prendre quelques jours supplémentaires pour débattre du projet de loi et l’amender afin de le rendre meilleur, mais le gouvernement a refusé.
Le projet de loi C-17 ne s’est jamais rendu à l’étape de la deuxième lecture. Le gouvernement l’a plutôt retravaillé afin d’en corriger les lacunes pour ensuite le présenter à nouveau six semaines plus tard sous la forme du projet de loi C-20. Mais une fois de plus, même s’il avait été amélioré, il comportait toujours des lacunes. Le gouvernement avait donc retardé les mesures de soutien liées à la pandémie d’un mois et demi en raison de son refus de collaborer.
Chers collègues, le temps me manque pour vous citer tous les exemples de l’incompétence de ce gouvernement, car je prévois prendre ma retraite dans quelques années et je n’aurais pas assez de temps pour parcourir la liste jusqu’à la fin. Il suffit toutefois de dire que tout au long de cette pandémie, nous avons dû nous battre pour que le gouvernement fasse preuve de responsabilité et de transparence et qu’il nous accorde des échéanciers raisonnables afin d’examiner les projets de loi qu’il souhaitait faire adopter.
Cela nous amène à la mesure législative que nous examinons aujourd’hui. Le projet de loi C-12 est la solution du gouvernement au problème qu’il a lui-même créé il y a presque deux ans, quand il a lancé la Prestation canadienne d’urgence. Les aînés qui sont admissibles à la PCU ont par la suite eu la surprise de voir leurs prestations incluses dans le calcul de leurs revenus, ce qui entraîne des répercussions sur leur admissibilité au Supplément de revenu garanti.
Dans la mise à jour économique et financière présentée au Parlement le 14 décembre dernier, le gouvernement avait annoncé qu’approximativement 204 000 aînés avaient subi une baisse de leurs versements du Supplément de revenu garanti, ce qui correspondait à un total de 742,4 millions de dollars. Cela représente une perte de revenus de 3 639 $ par année en moyenne, ou 303 $ par mois.
Chers collègues, je tiens à vous rappeler que le programme de Supplément de revenu garanti est conçu pour aider les aînés à faible revenu à boucler les fins de mois. Un aîné célibataire y est admissible s’il gagne moins de 19 464 $ par année. En d’autres mots, ces Canadiens essaient de subvenir à leurs besoins avec seulement 1 622 $ par mois. Je pense que la majorité d’entre nous sait très bien que c’est quasiment impossible.
J’ajouterais qu’il s’agit du seuil supérieur, ce qui signifie que la majorité des bénéficiaires du Supplément de revenu garanti touchent des revenus encore plus bas. Vous pouvez facilement constater à quel point la perte de 303 $ par mois représente une lourde perte financière pour la plupart des aînés.
(1630)
En toute justice, c’était au tout début de la pandémie et nous ne savions pas trop quoi faire dans cette situation très incertaine. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes en un jour et par le Sénat le jour suivant. Il y avait un besoin urgent d’assurer aux Canadiens que le gouvernement serait là pour appuyer ceux qui en ont besoin tout au long de la pandémie. Ce n’était pas le temps de retarder l’adoption de mesures législatives pour nous assurer qu’elles étaient parfaites.
Chers collègues, cela remonte maintenant à presque deux ans. Dès le 12 mai 2020, le gouvernement a reconnu que ses prestations allaient causer un problème pour les prestataires du Supplément du revenu garanti. Les prestations liées à la pandémie seraient incluses dans le calcul de leur revenu annuel, ce qui aurait des conséquences pour leur admissibilité au Supplément du revenu garanti.
Dans un document d’information du Comité permanent des ressources humaines de la Chambre des communes, la ministre des Aînés de l’époque indiquait ce qui suit :
La PCU vise à remplacer les revenus perdus en raison de la COVID-19. Puisqu’elle est considérée comme un revenu imposable, nous devons en tenir compte pour déterminer l’admissibilité au [Supplément de revenu garanti] et aux Allocations.
Cela dit, la PCU n’aura aucune incidence sur le [Supplément du revenu garanti] et les Allocations pendant environ un an. Les revenus issus de la PCU perçus en 2020 n’auront une incidence sur les prestations du [Supplément du revenu garanti] et les Allocations qu’à partir de juillet 2021, car ces prestations seront établies en fonction des revenus de 2020.
Bref, on savait déjà, en mai 2020, que ce problème se produirait. On a su longtemps d’avance qu’il y aurait des répercussions sur le portefeuille des aînés en juillet 2021, mais rien n’a été fait pour rectifier la situation avant février 2022.
En février 2022, 23 mois s’étaient écoulés depuis la création de la Prestation canadienne d’urgence. Vingt mois s’étaient écoulés depuis que le gouvernement avait reconnu que ces prestations viendraient réduire le revenu de centaines de milliers d’aînés qui reçoivent le Supplément de revenu garanti. Rien n’a été fait pour régler ce problème jusqu’à ce que le gouvernement dépose le projet de loi C-12 à l’autre endroit le 8 février.
Ensuite, il a encore attendu sept jours, soit jusqu’au 15 février, pour demander la deuxième lecture.
Or, avant même la deuxième lecture, le gouvernement a présenté une motion de programmation à la Chambre des communes pour que le débat soit limité et que le projet de loi soit réputé avoir été renvoyé à un comité plénier, avoir été étudié en comité, avoir fait l’objet d’un rapport sans proposition d’amendement et avoir été agréé à l’étape du rapport, lu pour la troisième fois et adopté. Autrement dit, il a fait de l’adoption du projet de loi une simple formalité.
Ensuite, quand le projet de loi a été renvoyé au Sénat, le sénateur Gold, leader au Sénat, nous a demandé de nous en tenir à des discours brefs et, si possible, de ne donner la parole qu’au parrain et aux porte-parole, pour qu’il puisse aussi être adopté rapidement au Sénat.
J’ai d’abord trouvé cela curieux, car le projet de loi n’a rien à voir avec la volonté de rendre les 742 millions de dollars aux aînés. L’allocation remboursera les aînés pour l’argent qu’on leur a repris pendant l’année de programme du Supplément de revenu garanti allant de juillet 2020 à juin 2021, et cela n’exige pas une approbation législative supplémentaire.
Vous avez bien entendu, honorables sénateurs. Les 742 millions de dollars qui serviront à rembourser les aînés dont les prestations du Supplément de revenu ont été réduites peuvent être versés aux aînés sans que l’on doive obtenir une approbation supplémentaire du Parlement, outre l’adoption du projet de loi de crédits provisoires habituel, que nous devrions recevoir sous peu. Cette dépense est déjà autorisée selon l’article 7 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui dit ceci :
Le ministre peut, dans le cadre des attributions que lui confère la présente loi, concevoir et réaliser des programmes destinés à appuyer les projets ou autres activités qui contribuent au développement des ressources humaines au Canada et au développement des compétences des Canadiens, au développement social du Canada ou à la prestation de services au public, et accorder des subventions et des contributions pour appuyer ces programmes.
Si le projet de loi C-12 ne contient pas d’argent réel pour les personnes âgées et ne modifie aucun paiement du Supplément de revenu garanti avant juillet 2022, alors pourquoi le gouvernement cherche-t-il à faire adopter le projet de loi à toute vapeur? La raison qui nous a été donnée est qu’il est impératif que ce projet de loi soit adopté d’ici le 4 mars parce que l’Agence du revenu du Canada doit effectuer des mises à jour de ses programmes, qui doivent être terminées avant cette date. Si le projet de loi n’est pas adopté d’ici le 4 mars, l’Agence de revenu du Canada n’aura pas le pouvoir législatif d’apporter les changements nécessaires et la fenêtre pour mettre en œuvre ces changements pour la prochaine prestation du Supplément de revenu garanti se fermera. Cela signifie que les aînés devront endurer une autre année de récupération de leurs prestations du Supplément de revenu garanti.
Chers sénateurs, c’est incroyable. Pendant près de deux ans, le gouvernement a regardé la catastrophe se préparer au ralenti. Ils l’ont vu venir dès mai 2020 et n’ont pourtant pas pris la peine d’agir jusqu’à maintenant. Et voilà que, juste avant le moment de l’impact, ils courent partout et agitent les bras en désespoir de cause parce que nous avons une situation urgente sur les bras. Nous, les sénateurs, sommes obligés de nous conformer à leur calendrier et de répondre à cette urgence afin de protéger les personnes âgées des répercussions de l’incompétence et de l’ambivalence de ce gouvernement.
Chers collègues, comme je l’ai dit plus tôt, notre caucus appuie cette initiative. Elle a été adoptée à l’unanimité à la Chambre des communes, et je m’attends à ce que la même chose se produise dans cette enceinte. Toutefois, cet appui ne doit pas être confondu avec une preuve de confiance envers le gouvernement. Pour la majorité des personnes âgées, les politiques de ce gouvernement sont désastreuses. L’inflation gruge leur pouvoir d’achat et les faibles taux d’intérêt imposés par la ministre des Finances les empêchent d’obtenir un rendement des investissements proportionnel à l’inflation. Chaque année, la situation des aînés se dégrade encore plus à cause des politiques irresponsables de Justin Trudeau.
C’est regrettable, chers collègues, et pour ne pas que vous y prêtiez des intentions partisanes, j’aimerais souligner que ce dont je vais vous faire part est un point de vue que partagent un nombre croissant de Canadiens, y compris d’éminents libéraux. Il y a deux jours, Stephen LeDrew, ancien président du Parti libéral du Canada qui a occupé cette fonction le plus longtemps, a écrit :
Le Canada que les Canadiens ont sous les yeux n’est pas la société sensible, raisonnable et généreuse que les Canadiens de tous les horizons ont bâtie au fil des générations.
Le pays est devenu polarisé et mesquin. En fait, il est méconnaissable.
Vous n’avez qu’à écouter les conversations dans les commerces, dans la rue et dans les espaces publics.
Vous n’avez qu’à vous promener à pied ou en voiture dans les villes, les villages et dans les régions rurales pour voir des drapeaux canadiens assortis de symboles qui désapprouvent avec véhémence le gouvernement fédéral. Les loyaux Canadiens en ont assez du gouvernement fédéral.
Une personne est responsable de ce climat. Cette personne, c’est Justin Trudeau.
Il a changé les institutions et les normes canadiennes de façon draconienne, à tel point que des gens habituellement calmes élèvent la voix en guise de protestation.
La plupart des manifestants à Ottawa et dans d’autres endroits du pays étaient en colère non seulement à cause de l’attitude autoritaire du gouvernement dans son approche à l’égard de la pandémie, mais aussi à cause des changements apportés par le premier ministre Trudeau.
Il a dévalorisé le discours et la vie publics.
Il fait de beaux discours, mais il pose des gestes déplorables depuis longtemps.
Ses décisions arbitraires ont ruiné la vie de bien des gens qui étaient prétendument coupables de certains gestes qui sont pourtant beaucoup moins répréhensibles que ceux qu’il a posés lui-même, photos à l’appui. Serait-ce pour détourner l’attention de sa propre culpabilité?
Le nouveau principe est-il « Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais »? À moins que ce ne soit « une règle pour les masses et une différente pour les élites, dont je fais partie »?
Son intolérance et sa rectitude autoritaire et injustifiée ont amené beaucoup de gens à mépriser le gouvernement et à douter de sa capacité à faire les choses correctement.
(1640)
Chers sénateurs, M. LeDrew poursuit encore après cela, mais je crois que j’en ai assez lu pour que vous compreniez le message. Ce gouvernement ne semble pas en mesure de faire les choses correctement, et le fait que ce projet de loi nous soit présenté à la dernière minute ne fait que l’illustrer davantage.
J’appuie ce projet de loi. J’appuie son renvoi au comité. Je dénonce toutefois l’incompétence du gouvernement et sa désinvolture dans le cadre de l’édiction des politiques publiques. J’espère que tous les sénateurs feront de même. Merci.
Le sénateur Gold : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Plett : Bien sûr.
Le sénateur Gold : Sénateur Plett, par respect pour vous et pour le présent débat, je n’ai pas invoqué le Règlement pendant votre discours et je ne le ferai pas maintenant non plus. Cependant, vous avez fait allusion à des déclarations que j’aurais faites à l’extérieur du Sénat sur la façon de traiter ce projet de loi. Si je me suis prononcé sur ce sujet, je l’ai fait dans le cadre d’une réunion confidentielle des leaders. Je suis représentant du gouvernement depuis deux ans et j’ai toujours respecté la confidentialité de ces rencontres. Je vais supposer que vous avez tenu ces propos par inadvertance et je vais simplement passer à ma question.
Dans le but d’éviter toute confusion au Sénat, je me demande si vous pouvez clarifier quelque chose. Êtes-vous d’accord pour dire que l’erreur de rédaction dont la sénatrice Griffin a parlé n’est pas une erreur dans le projet de loi C-12, mais bien une erreur sur un autre article de la Loi sur la sécurité de la vieillesse? Convenez‑vous qu’il est important que le projet de loi C-12 fasse l’objet d’une étude appropriée, mais qu’il soit mis en œuvre dans les plus brefs délais afin d’éviter les répercussions négatives sur le revenu des aînés?
Le sénateur Plett : Je pense avoir été clair à la fin de mon discours. Nous appuyons le projet de loi et nous appuyons son renvoi au comité, dès aujourd’hui. C’est donc à contrecœur que nous aidons encore une fois le gouvernement. Je dirais que ma réponse à votre question est oui.
Son Honneur le Président : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Le sénateur Plett : Bien sûr.
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : Sénateur Plett, en tant que porte‑parole de ce projet de loi, je sais que vous avez accès à davantage de documentation que les sénateurs ordinaires. Avez‑vous demandé au gouvernement de vous fournir l’analyse comparative entre les sexes plus qui aurait dû normalement être faite au moment de l’élaboration du projet de loi, et qui a dû être soumise au Cabinet?
[Traduction]
Le sénateur Plett : Nous avons assisté à des séances d’information sur ce projet de loi, comme nous le faisons toujours. Non, je n’ai rien demandé personnellement au gouvernement.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je voulais savoir ceci : le gouvernement a-t-il offert de vous fournir cette analyse, en entier ou sous la forme d’un sommaire, à titre de porte-parole de ce projet de loi?
[Traduction]
Le sénateur Plett : Non, ce n’est pas quelque chose qui m’a été proposé.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 1er mars 2022, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Le Tarif des douanes
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Leo Housakos propose que le projet de loi S-204, Loi modifiant le Tarif des douanes (marchandises en provenance du Xinjiang), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour aborder le projet de loi S-204, Loi modifiant le Tarif des douanes.
Ce projet de loi est très simple. Il vise à modifier le Tarif des douanes afin d’interdire l’importation de tous les biens produits dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang de la République populaire de Chine.
Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi je propose que le Parlement du Canada prenne cette mesure; d’autres se demandent si elle est nécessaire compte tenu de la loi actuelle; et d’autres encore s’interrogent sur d’éventuelles représailles. J’aimerais donc aborder chacune de ces questions.
Premièrement, pourquoi est-ce que je propose cette interdiction? La réponse est simple : en raison des preuves de plus en plus nombreuses que le Parti communiste chinois est en train de commettre un génocide dans cette région, et que la seule et unique raison de ce génocide est que les habitants de cette région sont musulmans. Ils sont violés, réduits en esclavage, torturés et assassinés simplement en raison du fait qu’ils sont musulmans.
Ce génocide s’accompagne de preuves irréfutables que des centaines de milliers, peut-être même un million, de membres de la minorité ouïghoure sont contraints au travail forcé au profit des autorités communistes et des entreprises impliquées dans ces activités.
À mon avis, en n’agissant pas, en demeurant silencieux devant ce tollé, nous devenons leurs complices, même si c’est involontairement, et ce n’est pas dans la nature des Canadiens. Ce projet de loi est nécessaire pour dénoncer et exposer davantage ce qui constitue peut-être actuellement la plus grave violation des droits de la personne au monde.
Je commencerai mon intervention en citant quelques-uns des nombreux témoins oculaires de la situation au Xinjiang.
Rukiye Turdush est une citoyenne canadienne qui a immigré au Canada de la Chine dans les années 1990. Elle a affirmé que son frère a été tué par des soldats chinois en 1992 et elle a parlé de sa décision courageuse de quitter la Chine dans les années 1990. Elle a raconté comment on l’avait expulsée, avec son bébé, de sa chambre d’hôtel à Pékin sous la menace d’une arme à feu, uniquement parce qu’elle est ouïghoure.
Elle a parlé ouvertement du harcèlement constant qu’elle a subi, même ici au Canada, aux mains de gens au service, ou de partisans, des autorités communistes chinoises.
Elle a été harcelée parce qu’elle a osé parler de ces répressions et dire qu’elles s’étaient intensifiées depuis 2017. Je la cite :
Depuis 2017, [le gouvernement chinois] a commencé à arrêter tout le monde au Turkestan oriental [aussi connu sous le nom de Xinjiang] [...] J’ai demandé à mon père combien de membres de ma famille étaient détenus. Il a dit que je devrais plutôt demander combien ne l’étaient pas, et la réponse est zéro.
L’histoire racontée par Mme Turdush n’a rien d’unique.
(1650)
La BBC a fait état de viols et de torture systématiques dans ces camps, et des organisations de défense des droits de la personne ont également rapporté d’innombrables cas de viols et d’agressions sexuelles.
L’ex-ministre de la Justice et procureur général du Canada, Irwin Cotler, soutient que la République populaire de Chine a commis, selon lui, les cinq crimes mentionnés dans la Convention des Nations unies sur le génocide. M. Cotler a affirmé ceci :
Les Ouïghours vivent dans des conditions atroces et sont victimes de torture et de violence sexuelle dans ces camps. Ils sont assujettis à l’esclavage institutionnalisé dans toute la Chine. Depuis 2017, le gouvernement chinois déplace de force les enfants ouïghours — dont plusieurs sont devenus « orphelins » parce que leurs parents sont détenus ou victimes du travail forcé — au sein d’un réseau d’établissements de l’État où la culture han est dominante.
Autrement dit, une population minoritaire est forcée de servir la majorité ethnique de la Chine.
M. Cotler ajoute :
Le gouvernement contraint les Ouïghours à la stérilisation forcée de masse et applique également des politiques coercitives de prévention des naissances, anéantissant ainsi la capacité de reproduction de ce groupe.
De hauts fonctionnaires ont émis des décrets dans lesquels on parlait « d’éradiquer les tumeurs », « d’arrêter tout le monde », « de les éliminer complètement » [...]
D’autres Canadiens ont également été témoins de ce qui se passe au Xinjiang.
[Français]
Les Canadiens Gary et Andrea Dyck ont habité dans la région du Xinjiang de 2007 à 2018. Ils ont raconté à l’Agence France-Presse ce qu’ils ont vu dès leur arrivée en Chine.
Ils ont constaté que les quartiers traditionnels Ouïghours ont commencé à être démantelés et leurs habitants relogés dans des immeubles loin de leurs communautés, puis les mesures ont commencé à s’intensifier. En 2016, le couple a dit avoir noté un accroissement de la présence policière, avec des points de contrôle à toutes les principales intersections et une multiplication des caméras de sécurité dans les villes.
[Traduction]
Ils ont vu de leurs propres yeux la construction des camps d’internement. Voici ce qu’a déclaré Gary Dyck :
Lorsque les camps ont été construits et que des gens se sont fait enlever des mois plus tard, personne ne s’est opposé ni n’a lutté parce qu’il y avait trop de mesures de sécurité et que la communauté était complètement dépassée.
Un centre de détention a été construit près de leur maison. Ils ont affirmé qu’il comportait un mur de 15 pieds de haut surmonté de fils barbelés et surveillé à l’aide de caméras de sécurité ainsi que de patrouilles.
M. Dyck a dit :
Quelques-uns des amis de notre fils (alors) âgé de 15 ans allaient bientôt avoir 18 ans et ils avaient peur parce qu’ils allaient atteindre l’âge légal de la majorité et ils se demandaient s’ils étaient les prochains à se faire emmener dans ces camps. Ils redoutaient donc vraiment d’atteindre l’âge de 18 ans.
Dans quel (autre) endroit dans le monde un jeune de 17 ans redoute-t-il d’atteindre l’âge de 18 ans?
Nous avions vraiment l’impression de vivre dans un immense pénitencier.
Chers collègues, j’ai le grand regret de vous dire que les preuves soutenant ces allégations très inquiétantes sont nombreuses.
Je tiens à citer ce que nous ont dit les organismes internationaux de défense des droits de la personne, qui ont consigné les témoignages. En juin dernier, Amnistie internationale a publié un rapport de 160 pages sur l’ampleur de la répression. Ce rapport a conclu ceci :
Les Ouïghours, les Kazakhs et les autres minorités ethniques à majorité musulmane de la région autonome ouïghoure du Xinjiang (Chine) sont victimes d’emprisonnement, de torture et de persécutions à grande échelle orchestrés par l’État, qui s’apparentent à des crimes contre l’humanité [...]
D’autres recherches menées par Human Rights Watch, en collaboration avec la faculté de droit de l’Université de Stanford, ont révélé que le gouvernement chinois a commis et continue de commettre des crimes contre l’humanité à l’encontre des musulmans d’origine turque. Selon Human Rights Watch, aux fins du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ou la CPI, on entend par crime contre l’humanité :
[...] des crimes graves désignés qui sont commis en connaissance de cause dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile.
En droit international, les crimes contre l’humanité sont considérés comme l’une des violations les plus graves des droits de la personne. Les crimes contre l’humanité qui sont documentés dans le rapport comprennent l’emprisonnement ou d’autres formes de privation de liberté en violation du droit international, la persécution d’un groupe ethnique ou religieux identifiable, les disparitions forcées, la torture, le meurtre et les actes inhumains présumés causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à la santé physique ou mentale, notamment le travail forcé et les violences sexuelles.
Au Canada, l’ONG Above Ground a publié en 2021 une étude sur le travail forcé dans le monde. Dans le cadre de son étude, elle a découvert que les autorités communistes chinoises du Xinjiang ont envoyé :
[...] des centaines de milliers d’Ouïghours de la région et d’autres minorités ethniques turques, majoritairement musulmanes, dans des camps de détention afin de « transformer » leurs pensées. Les survivants de ces camps disent qu’ils ont été placés dans des dortoirs surpeuplés, ont été privés de nourriture, se sont vu interdire de prier ou de parler leur langue, et ont été sévèrement punis en cas de transgression.
L’étude souligne que les autorités chinoises auraient également :
[...] transféré contre leur gré des centaines de milliers de citoyens issus d’une minorité ethnique, y compris d’anciens détenus, dans des camps de travail situés un peu partout sur le territoire chinois.
Selon ce qu’on en sait, ces travailleurs n’ont d’autre choix que d’obtempérer, car ils savent qu’ils risquent autrement d’être mis en détention sans autre forme de procès.
Par ailleurs, l’année dernière, le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne a publié un rapport auquel ont participé plus d’une cinquantaine de sommités mondiales du droit international. Le rapport conclut que :
[...] la République populaire de Chine porte la responsabilité du génocide commis contre les Ouïghours, en violation de la Convention sur le génocide.
Honorables sénateurs, ces rapports ont retenu l’attention de divers États démocratiques et organismes internationaux. En juin dernier, la Maison-Blanche a publié la déclaration suivante :
[...] Les États-Unis estiment que le travail forcé et mandaté par l’État au Xinjiang constitue à la fois un affront à la dignité humaine et un exemple des pratiques économiques déloyales de la [République populaire de Chine]. Le recours, par la RPC, au travail forcé au Xinjiang fait partie intégrante des violations systématiques des droits des Ouïghours et des autres groupes religieux et ethniques minoritaires. Ce dossier demeurera une priorité absolue pour l’administration Biden-Harris. Ces violations systématiques ne se limitent pas au travail forcé et prennent aussi la forme de violences sexuelles et de détentions de masse, et la RPC continue de se rendre coupable d’un génocide et de crimes contre l’humanité au Xinjiang.
De son côté, le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni a déclaré ceci :
Nous sommes très inquiets des violations des droits de la personne qui sont perpétrées de façon généralisée et systématique dans la région du Xinjiang. Les actes commis sont notamment — sans y être limités — l’internement extrajudiciaire de plus de 1 million de Ouïghours et membres d’autres minorités ethniques; des restrictions sévères sur la culture, la religion et la langue; la surveillance et le contrôle généralisés; le travail forcé imposé aux Ouïghours et aux membres d’autres minorités ethniques; et l’instauration de politiques de prévention des naissances.
Des preuves accablantes sur les violations graves des droits de la personne, la détention extrajudiciaire et le travail forcé s’accumulent, y compris des documents internes classifiés du gouvernement chinois ayant fait l’objet de fuites.
Honorables collègues, en décembre 2020, le Parlement européen a fait état, notamment :
[des] souffrances des Ouïgours [qui] s’étendent également à la jeune génération [...] d’enfants envoyés dans des orphelinats publics dès lors qu’un de leurs parents est incarcéré dans un camp d’internement [et a indiqué] qu’à la fin de 2019, plus de 880 000 enfants ouïgours avaient été placés dans des centres d’accueil [...]
[Français]
La résolution du Parlement européen insiste également sur la nature des mesures de surveillance dignes d’Orwell appliquées par l’État chinois, notamment, et je cite :
[...] des mesures [...] pour assurer la « surveillance étroite » de la région grâce au déploiement de la technologie chinoise de surveillance électronique « Skynet » dans les principales zones urbaines, l’installation de traceurs GPS dans les véhicules à moteur, l’utilisation, à des points de contrôle et dans les gares et stations-service, de scanners de reconnaissance faciale basés sur un système logiciel de caméras à intelligence artificielle visant à identifier les Ouïgours et les autres membres des groupes ethniques minoritaires [...]
Enfin, permettez-moi de mentionner une déclaration émise en juin de cette année par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme donnant suite aux conclusions d’experts des droits de la personne. Elle faisait directement référence, et je cite :
[...] à des conditions de travail et de vie abusives pouvant constituer une détention arbitraire, une traite des êtres humains, un travail forcé et une réduction en esclavage par le recours au travail forcé.
Elle reconnaît aussi ce qui suit :
[...] que des centaines de milliers de membres de la minorité ouïghoure sont détenus dans des centres de « rééducation ». Beaucoup auraient également été transférés de force pour travailler dans des usines de la région autonome ouïghoure du Xinjiang et d’autres provinces chinoises.
« Des travailleurs ouïghours seraient employés de force dans des industries à forte intensité de main-d’œuvre et peu qualifiées, telles que l’agroalimentaire, le textile et l’habillement, l’automobile et les secteurs technologiques » [...]
(1700)
[Traduction]
Chers collègues, voilà les éléments de preuve que nous avons devant nous. Leur crédibilité est reconnue par des organismes internationaux et des pays démocratiques.
Je dirais que nous devrions tous être terrifiés par ce qui se passe actuellement au Xinjiang, d’autant plus que les gestes dont nous entendons parler maintenant concordent avec ceux que les autorités communistes de la République populaire de Chine posent depuis des années. Je ne cherche pas ici à tenir des propos incendiaires ou dramatiques, mais je crois qu’il faut regarder honnêtement les faits historiques, car ils nous aident à bien comprendre ce qui se passe actuellement au Xinjiang.
Le Parti communiste chinois gouverne la Chine continentale depuis plus de 70 ans. Il est généralement reconnu que, pendant cette période, il a assassiné entre 30 et 45 millions de personnes, peut-être même plus, selon certains. On ne connaîtra probablement jamais le nombre exact de personnes assassinées. Peu importe le nombre précis, c’est un bilan épouvantable.
[Français]
Toutefois, ce qui nous concerne dans l’histoire du Parti communiste, c’est que le régime qui a commis ces actes est encore au pouvoir aujourd’hui. Il n’a jamais été tenu responsable des gestes qu’il a posés. Pourtant, nous avons décidé de resserrer nos liens avec lui. Je me demande pourquoi. J’imagine que nous voulions croire que ce régime changerait de lui-même, qu’il reconnaîtrait la nécessité de changer. Bien qu’il affirme aujourd’hui que des erreurs ont été commises par le passé, cela ne modifie en rien l’un des principes directeurs de base du régime, soit que toute action visant à défendre les intérêts du Parti communiste est justifiée.
Cette position fondamentale est ce qui rend si terrifiants les événements qui se déroulent au Xinjiang, et c’est pourquoi nous ne pouvons tout simplement pas fermer les yeux encore une fois. Nous ne pouvons pas nous convaincre que le régime changera de lui‑même. Il a clairement fait savoir qu’il ne croit pas devoir changer. Voilà la différence entre ce qui se passe au Xinjiang et ce qui s’est passé au Canada en ce qui a trait aux pensionnats, pour ceux qui voudraient faire cette comparaison. Je dirais que c’est en raison de notre propre histoire et de ses répercussions si profondément ancrées, qui se font sentir encore aujourd’hui, que nous nous sentons forcés de dénoncer la situation quand elle se produit ailleurs.
[Traduction]
Contrairement au Canada, le régime communiste chinois ne pense pas avoir quoi que ce soit à se reprocher. Il croit que ses actions sont justifiées. Il y a quelques mois, des observations secrètes attribuées au président chinois Xi Jinping ont été publiées; elles montrent sa participation active dans les actes qui sont posés aujourd’hui au Xinjiang.
Selon le journal The Guardian, les documents qui ont fait l’objet d’une fuite incluent trois discours prononcés par le président chinois en avril 2014. Ils parlent de sécurité, de contrôle de la population et du besoin de punir la population ouïghoure. Une partie de ces documents aurait été classée comme « très secret ».
Selon la transcription d’un des discours de mai 2014, le président Xi affirme que le Parti communiste ne doit « pas hésiter à utiliser les armes de la dictature démocratique populaire et à concentrer [son] énergie à écraser » les forces du soi-disant extrémisme religieux au Xinjiang. Compte tenu de l’histoire du Parti communiste chinois, ces remarques donnent froid dans le dos.
L’année dernière, lorsque ma motion concernant le génocide des Ouïghours a été examinée dans cette enceinte, elle a été rejetée par la majorité, ce qui, selon moi, est une honte. Je crois que cela s’explique en partie par une compréhension insuffisante de l’ampleur des événements dans la région du Xinjiang. Peut-être est‑ce parce que nous avons souhaité si fort que les valeurs de la République populaire de Chine ressemblent davantage aux nôtres avec le temps que nous avons perdu de vue les gestes posés par le régime communiste et ce dont il est capable aujourd’hui?
Comme je l’ai mentionné, le régime n’a jamais eu à rendre de comptes au sujet des atrocités commises dans le passé, et il semble qu’on ait tendance à les oublier.
Rappelez-vous que notre premier ministre a déjà dit que la Chine communiste était le pays dans le monde qu’il admirait le plus. Je ne vous dis pas cela pour être insolent, mais bien parce que cela démontre notre naïveté et notre approche malavisée. Cela témoigne de notre naïveté, engendrée par l’aveuglement dont nous faisons preuve à l’égard de l’histoire du Parti communiste chinois, une naïveté que je trouve très préoccupante et dangereuse. Cette naïveté a même engendré une croyance selon laquelle les États démocratiques et les régimes tyranniques sont équivalents sur le plan moral.
À cet égard, en juin dernier, l’ancien leader du gouvernement a parlé du supposé « ton moralisateur et arrogant de la motion », faisant référence à ma motion sur le génocide des Ouïghours.
L’argument voulant que, le Canada n’ayant pas été parfait, il n’ait plus le droit de juger la situation au Xinjiang, constitue l’une des réponses les plus moralement paralysées que j’aie jamais entendues.
Comme je l’ai dit plus tôt, c’est en raison de notre passé avec les pensionnats et des traumatismes persistants qu’ils ont causés que le Canada non seulement est bien placé, mais aussi a l’obligation de dénoncer ce qui arrive au peuple ouïghour et de prendre des mesures pour le contrer.
Imaginez les conséquences pour le monde entier si une telle position avait été adoptée dans les années 1930. Aurions-nous même pu nous opposer à la montée du fascisme?
Il y a ensuite l’argument naïf, pour ne pas dire fallacieux, voulant que nous devions discuter avec le régime chinois pour l’aider à comprendre que la voie sur laquelle il s’est engagé ne lui sourira pas.
Le sénateur Woo a soutenu cet argument en juin dernier, en affirmant qu’il préférait chercher à convaincre le régime communiste que ses méthodes avaient peu de chances de succès. Je le répète, c’est fallacieux, ou à tout le moins extrêmement naïf.
Sauf votre respect, sénateur Woo, je m’inquiéterais peut-être si j’avais été l’un des sénateurs qui, en juin dernier, ont été qualifiés par l’ambassadeur chinois de « visionnaires » et de personnes qui « voient à travers les complots méprisables d’une poignée de forces anti-Chine ».
Le régime ne reconnaît pas la véracité, ni même la réalité, de ce qui se déroule au Xinjiang. Comment pourrions-nous alors les convaincre de changer leur façon de faire?
J’ai peur que l’ambivalence morale du gouvernement du Canada — qui s’est abstenu de voter sur une motion de la Chambre des communes condamnant le génocide des Ouïghours, l’an dernier — n’ait fait qu’encourager davantage de répression. Peu de gouvernements occidentaux, chers collègues, ont refusé de reconnaître ce qui se déroule là-bas comme étant un génocide. Le gouvernement canadien continue de le refuser.
[Français]
La situation que nous observons au Xinjiang nous rappelle les gestes que ce régime a posés par le passé, et c’est terrifiant. On a beaucoup écrit sur ce que pourraient être les objectifs ultimes du Parti communiste au Xinjiang. Vise-t-il simplement à supprimer et à éradiquer une culture minoritaire? Ses objectifs sont-ils plus larges, comme de remplacer la population ouïgoure par une population majoritaire de Chinois hans? On ne peut en être complètement sûr. Cependant, ce que nous savons, c’est que des millions de personnes faisant partie d’une population minoritaire font l’objet d’une détention et d’une rééducation massives et intensives. C’est notamment ce qui ressort d’une récente étude menée par la Brookings Institution.
[Traduction]
Face à cette réalité, je crois que nous devons réagir et réagir fermement. À mon avis, nous devons nous opposer activement à ce qui se déroule en Chine et imposer des sanctions comme première mesure en vue de protéger le peuple ouïghour et les autres minorités ethniques.
Je suis d’accord avec l’ancien sénateur Roméo Dallaire, qui a affirmé avec une grande clarté morale :
Quand un État viole les droits de la personne à grande échelle [...] nous avons tous la responsabilité d’intervenir pour protéger la population.
Que signifie « protéger la population » quand il est question d’une grande puissance comme l’État communiste chinois? À mon avis, cela signifie, au minimum, que nous ne devrions pas être complices de leur répression, même par mégarde.
Le projet de loi propose d’interdire l’importation de marchandises d’une région où sévissent des crimes génocidaires et où des pratiques de travail forcé sont manifestes. C’est certainement une mesure modeste, mais je crois que le projet de loi peut contribuer à contrer ce qui se passe au Xinjiang. Selon moi, la mesure proposée dans ce projet de loi s’accorde entièrement avec les obligations du Canada envers l’Organisation mondiale du commerce, ou OMC.
(1710)
Le sous-alinéa 21b)iii) de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de l’OMC permet aux États membres de prendre des mesures commerciales pour protéger des intérêts de sécurité essentiels en temps de guerre ou en cas de grave tension internationale. Or, l’existence d’un génocide qui a été largement documenté et reconnu doit certainement être considérée comme un cas de grave tension internationale. Par le passé, le Canada a déjà pris ce genre de mesures, notamment contre le Myanmar, ou Birmanie, pour répondre à des cas flagrants de violation des droits de la personne, dont fait partie, selon moi, la situation qui se déroule au Xinjiang.
Bon nombre d’alliés du Canada sont aussi de cet avis et prennent déjà des mesures. Donnons seulement quelques exemples. En 2020, la Chambre des représentants des États-Unis a promulgué la Uyghur Forced Labor Prevention Act, qui impose diverses restrictions concernant l’importation de biens en provenance du Xinjiang. Le Sénat de l’Australie a adopté un projet de loi pour interdire l’importation de tout bien produit, entièrement ou partiellement, au moyen du travail forcé. Le Parlement européen a demandé à la Commission européenne d’adopter des mesures, y compris l’interdiction de commercialiser des biens produits au moyen du travail forcé, sur le marché européen.
Tout comme c’est le cas pour ces mesures législatives ailleurs dans le monde, les suggestions pour améliorer et renforcer ce projet de loi sont plus que bienvenues au fil des étapes du processus législatif. Toutefois, je suis d’avis que le plus important pour le moment est de passer de l’étape de la deuxième lecture à celle de l’étude en comité.
Je sais que certains trouvent que ce projet de loi va trop loin et que nous devrions nous concentrer sur l’arrêt de l’importation des produits pour lesquels nous sommes sûrs qu’il y a un recours au travail forcé. Certains opposants au projet de loi pourraient dire que nous disposons déjà d’une loi à cet effet. Le problème est que cette loi n’est pas suffisamment efficace, quand elle n’est tout simplement pas mise en application. Seul le ministre de la Sécurité publique, anciennement Bill Blair et maintenant Marco Mendicino, pourrait nous dire si le problème vient d’un manque de ressources ou d’un manque de volonté politique.
Sachez seulement que depuis que nous avons modifié la législation douanière, l’Agence de services frontaliers du Canada, ou ASFC, n’a saisi en un an qu’une seule cargaison provenant de Chine censée contenir des articles issus du travail forcé. Chers collègues, il est flagrant que quelque chose ne fonctionne pas; que le problème vienne de la loi en soi ou de l’incapacité à la faire appliquer. Je me réfère aux modifications apportées à notre législation douanière après la signature d’une entente visant à stopper l’importation de produits issus du travail forcé dans le cadre de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique.
Aux États-Unis, il revient à quiconque importe certains biens de la région du Xinjiang de démontrer que ceux-ci ne sont pas issus du travail forcé. En revanche, ici au Canada, l’Agence des services frontaliers prétend ne pas avoir l’autorité nécessaire pour imposer ce fardeau aux importateurs. Les sénateurs seraient-ils étonnés d’apprendre que l’agence a fait valoir ce point de vue devant la Cour fédérale après qu’un groupe de réfugiés a intenté une poursuite l’année dernière?
Voilà pourquoi je voulais présenter ce projet de loi. Je veux établir clairement aux yeux de l’Agence des services frontaliers du Canada qu’elle a l’autorité nécessaire pour intercepter tous les biens provenant de la région du Xinjiang et que personne n’a le fardeau de démontrer quoi que ce soit. Je veux que cela soit aussi clair et aussi simple que possible pour permettre aux agents en première ligne de faire leur travail afin de lutter contre ce comportement odieux. Je veux aussi envoyer un message sans équivoque au régime communiste chinois que notre pays, en tant que membre du G7, ne tolérera plus les violations aussi odieuses qu’outrageuses des droits de la personne commises par la Chine. Nous tirerons parti des leviers à notre disposition, en l’occurrence l’accès à la richesse du marché des consommateurs canadiens, un levier de poids, honorables sénateurs.
Je comprends que, si ce projet de loi est promulgué, le régime communiste voudra répliquer. Cela ne devrait surprendre personne après ce qui s’est passé en réaction à l’arrestation de Meng Wanzhou, en 2018 : le régime a pris en otage deux Canadiens en guise de représailles. Il est ironique que je parle de cela pendant la Semaine contre l’intimidation, parce qu’il n’y a pas de plus grand intimidateur à l’heure actuelle dans le monde que le régime chinois.
Nous le savons, le régime pourrait de nouveau agir en intimidateur, il faut s’y attendre. Il est également très probable qu’il impose des sanctions économiques contre le Canada, comme il l’a fait dans le passé pour intimider le Canada, l’Australie et bon nombre de nos alliés. L’Australie, par contre, a répondu avec confiance en diversifiant ses marchés. Elle a collaboré étroitement avec des alliés aux vues similaires pour s’affirmer de façon encore plus marquée contre ce régime brutal. C’est ce que le Canada doit faire également. Nous devons collaborer avec des alliés aux vues similaires comme l’Australie, les États-Unis, le Japon et l’Inde, entre autres. Le gouvernement doit prendre des mesures pour protéger les Canadiens en leur conseillant de ne pas se rendre en Chine ou de quitter le pays aussitôt que possible.
Je suis d’accord pour dire que nous devons agir de façon multilatérale, mais nous devons aussi être prêts à prendre les devants. C’est ce que le Canada a fait par le passé. Face aux défis auxquels nous nous heurtons sur le plan moral, je ne crois pas que nous ayons d’autre choix. Cela implique également de demander aux entreprises canadiennes de cesser d’investir dans les entreprises chinoises qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne.
Grâce aux recherches effectuées par l’organisme Hong Kong Watch et au rapport qui en découle, nous savons que certains des plus grands fonds de pension occidentaux, dont la société Investissements RPC, la British Columbia Investment Management Corporation et la Caisse de dépôt et placement du Québec, conservent des investissements considérables dans des entreprises bancaires et commerciales chinoises qui seraient complices de violations des droits de la personne, dont un certain nombre d’entreprises chinoises qui ont été sanctionnées par nos alliés, comme les États-Unis.
Nous savons que de nombreuses entreprises occidentales bien connues ont lourdement investi au Xinjiang et bénéficient directement ou indirectement du travail forcé. Des personnalités connues, comme la vedette de basket-ball Enes Freedom, anciennement Enes Kanter, se sont élevées contre Nike et d’autres grandes entreprises qui ont été mises en cause en raison de leurs investissements en Chine, activités qui ne font que conforter et enhardir le régime communiste. Nous ne devons pas permettre à ces activités de se poursuivre, car si nous le faisons, nous nous rendons complices de ces violations des droits de la personne et de ce génocide.
Chers collègues, je crois que nous avons l’obligation morale, ainsi que l’obligation légale, d’agir.
Comme l’a souligné Sarah Teich, avocate spécialiste des questions internationales relatives aux droits de la personne et conseillère juridique au Uyghur Rights Advocacy Project, le Canada a non seulement ratifié plusieurs traités qui imposent des obligations juridiques internationales visant à éliminer le travail forcé, mais il est aussi un État partie à la convention des Nations unies sur le génocide, ce qui signifie qu’il est obligé non seulement de ne pas commettre de génocide, mais aussi de prévenir, de dénoncer et de prendre des mesures pour stopper ce type de crime.
L’article 1 de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide dispose que :
Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir.
« Qu’elles s’engagent à prévenir », chers collègues. Il ne suffit pas d’attendre que des sanctions soient imposées une fois que l’ONU a établi qu’un génocide a été commis. La loi nous oblige à prévenir le crime de génocide en premier lieu. Le Canada ne devrait pas être signataire de tels accords pour le plaisir. Ces accords doivent signifier quelque chose. Notre parole et notre signature doivent signifier quelque chose.
Je sais que de nombreux sénateurs se sentent mal à l’aise à l’idée de confronter la Chine. Ce régime communiste est puissant et a des tentacules économiques dans tous les domaines de notre société, dans les institutions canadiennes et partout dans le monde démocratique occidental. Il accroît aussi sa répression non seulement contre les Ouïghours et d’autres minorités ethniques, mais aussi à Hong Kong et contre tous les dissidents en Chine et ailleurs dans le monde. De plus, ce régime devient plus belliqueux à l’endroit d’États voisins comme Taïwan, l’Inde, le Japon et d’autres pays autour de la mer de Chine méridionale.
Les menaces et l’intimidation sont les marques de commerce de ce pays tyrannique, mais nous ne pouvons plus rester impassibles devant la répression. Nous avons une responsabilité morale et légale de faire ce qui est juste. Nous savons que des millions de victimes de la répression au Xinjiang nous demandent de faire ce qui est juste. Elles réclament notre aide. Nous ne devrions pas faire l’autruche. Nous ne devrions pas leur tourner le dos. Nous devrions entendre leurs appels au secours. Ces gens sont victimes de torture, sont opprimés et envoyés dans des camps de travail. Souvent, les produits qu’ils fabriquent aboutissent sur les tablettes de nos magasins.
Le Canada peut donner l’exemple, et je crois que ce projet de loi est justement un pas dans la bonne direction. Dans cet esprit, honorables collègues, je vous exhorte tous à appuyer cette mesure législative et à envoyer aux Ouïghours le message que le Sénat du Canada et le Parlement du Canada entendent leurs appels à l’aide, et que nous sommes prêts à agir. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Peter M. Boehm : Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Housakos : Certainement.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup de votre discours à la fois intéressant et, ma foi, complet. Je m’inquiète aussi de la façon dont la minorité ouïghoure est traitée au Xinjiang. Je me suis intéressé à ce dossier pendant quelques années, notamment pour la célèbre affaire Hussein Jalil. C’était en 2006.
(1720)
Quoi qu’il en soit, ma question est très pointue. Si je pose la question, c’est parce que je ne connais tout simplement pas la réponse. Vous avez parlé de certaines lois américaines et de mesures que d’autres pays ont prises. Je sais que le Parlement européen a fait une déclaration, parce que je me souviens aussi de l’avoir lue. Je me demande si vous avez une idée des effets de cette loi américaine — autrement dit, de la façon dont elle a été appliquée —, parce qu’elle soulève selon moi quelques questions en ce qui a trait aux ressources. Je n’ai d’ailleurs pas les réponses. Cette mesure serait-elle appliquée par l’entremise de l’Agence des services frontaliers du Canada ou d’autres organismes, ou par l’entremise des missions et des consulats du Canada en Chine? C’est par simple curiosité. Je vous remercie.
Le sénateur Housakos : Comme vous le savez, une loi bannissant tous les produits provenant du Xinjiang a été adoptée il y a quelques mois aux États-Unis. Honnêtement, je ne sais pas comment cette loi américaine s’applique. Je suis loin d’être un expert des relations commerciales des États-Unis.
Je sais une chose, par contre : ce projet de loi allégerait énormément le fardeau bureaucratique de l’Agence des services frontaliers du Canada et lui ferait économiser beaucoup de temps, car il lui permettrait de refuser tous les envois de marchandises à destination de ports canadiens. Cette mesure législative est une façon de reconnaître, comme l’ont déjà révélé une tonne de preuves fournies à l’international par plusieurs groupes, qu’en ce moment précis, toutes les activités de l’industrie alimentaire, de l’industrie du coton et d’autres secteurs impliquent le travail forcé d’Ouïghours.
Voilà le portrait le plus simple que nous pouvons dresser de la situation. Maintenant, nous avons devant nous un projet de loi complexe qui impose le fardeau de la preuve à l’Agence des services frontaliers du Canada en exigeant que celle-ci présente des preuves que les produits provenant du Xinjiang ont été fabriqués ou assemblés au moyen du travail forcé.
Le projet de loi simplifie la mise en application de ce que nous tentons de faire, c’est-à-dire qu’aucun produit issu du travail forcé n’entre au pays. Personne ne me fera croire que dans les deux ou trois dernières années, avec les lois dont nous disposons actuellement, il a été établi qu’un seul conteneur transportant des produits issus du travail forcé au Xinjiang est arrivé ici. À mon avis, c’est scandaleux. Compte tenu de toutes les preuves de ce qui se passe dans cette région, il est hypocrite de notre part de présumer que, parmi les nombreux produits importés — comme je l’ai dit, des tomates de l’industrie agricole, du coton de la région, des plateformes solaires et de l’équipement industriel —, rien d’autre ne vient du Xinjiang. Tout ceci est bien connu partout dans le monde. Personne ne nie que ces produits sont construits, fabriqués et produits au moyen du travail forcé de la population ouïghoure.
J’espère avoir répondu à votre question. Je pense que le projet de loi simplifie notre façon de gérer les risques d’accepter des produits importés qui sont issus du travail forcé.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Housakos, deux autres sénateurs voudraient poser des questions. Acceptez‑vous de répondre à d’autres questions?
Le sénateur Housakos : Bien sûr.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Housakos, j’aimerais vous féliciter de votre détermination à aborder le sort réservé aux Ouïghours en Chine, ainsi que de votre dévouement à cette cause.
Ma question porte sur l’utilisation de termes appartenant en principe au domaine des droits de la personne, soit « génocide » et « crimes contre l’humanité ». Quand j’ai discuté de votre projet de loi avec d’autres parlementaires, cette question a été soulevée. J’ai une deuxième question à vous poser, si le temps le permet.
Environ un mois après votre dépôt de ce projet de loi au Sénat, le président Biden a signé la Uyghur Forced Labor Prevention Act, comme vous l’avez mentionné. Or, cette loi ne fait pas mention expressément de génocide. Nous savons que vous croyez qu’il faudrait qualifier de « génocide » le sort réservé aux Ouïghours en Chine. Cependant, pourriez-vous nous aider à mieux comprendre pourquoi vous avez choisi d’utiliser ce terme dans votre projet de loi?
Le sénateur Housakos : J’ai utilisé le terme « génocide » pour décrire la situation actuelle au Xinjiang parce que c’est le qualificatif employé par des experts comme Amnistie internationale et Irwin Cotler du Centre Raoul Wallenberg. Quand ils auront terminé leur évaluation de tous les éléments de preuve fournis, ils vous diront que le traitement réservé aux Ouïghours répond à tous les critères de génocide.
Bien sûr, mon projet de loi ne porte pas tant sur cette réalité, mais davantage sur l’utilisation actuelle de camps de travaux forcés dans cette région. Je pense que ce projet de loi est la meilleure façon de faire comprendre que le Canada ne tolérera pas ce type d’acte odieux. Il ne tolérera pas que des hommes, des femmes et des enfants soient condamnés aux travaux forcés, pour quelque raison que ce soit. Je crois qu’il n’y a rien d’ambigu dans ce projet de loi. Il n’offre pas d’échappatoire. Il fait comprendre clairement au régime que nous ne serons pas complices des mauvais traitements qu’il inflige à ces gens, que ce soit en ce qui concerne ses industries au Xinjiang, ses centres agricoles, ses importations ou ses exportations.
La sénatrice McPhedran : La loi ratifiée par le président Biden en décembre dernier mentionne explicitement la coordination avec le Mexique et le Canada pour la mise en œuvre de l’article 23.6 de l’Accord États-Unis—Mexique—Canada sur l’interdiction d’importer des produits issus, en entier ou en partie, du travail forcé ou obligatoire.
Pourriez-vous commenter la nature de votre projet de loi en relation avec le projet de loi américain à ce sujet?
Le sénateur Housakos : Ce projet de loi est très semblable. Évidemment, la loi qui est en place présentement et qui a été adoptée il y a à peine quelques années l’a été en réponse à l’accord de libre-échange Canada—États-Unis—Mexique. Elle avait été produite de façon machinale dans le but de se conformer à l’accord. Encore une fois, que cela a été fait ou non par le gouvernement canadien — implicitement ou explicitement, je ne sais pas —, mais cette loi ne permet pas de lutter contre le travail forcé. La loi américaine qui vient d’être adoptée est beaucoup plus robuste que ce que nous avons présentement.
Pardonnez mon ignorance, mais je ne connais pas la position du Mexique à ce sujet. À mon avis, cela tombe simplement sous le sens : pourquoi demande-t-on aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada de mettre en œuvre les règles actuelles, alors qu’elles sont impossibles à mettre en œuvre? Ils l’ont affirmé de bonne foi. J’ai discuté avec des gens de l’agence et ils m’ont dit qu’ils considèrent que cette loi n’est vraiment que de la poudre aux yeux, parce que le gouvernement sait bien qu’ils ne peuvent l’appliquer de façon efficace. C’est aux fruits qu’on juge l’arbre; la loi est en vigueur depuis un an et demi et les agents ont confisqué et arrêté un conteneur contenant ce que je suspecte être une grande quantité de produits importés de cette région.
[Français]
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Tout d’abord, sénateur Housakos, je vous remercie pour cette initiative. Comme vous, je trouve que le Canada doit en faire plus pour aider les Ouïghours. Toutefois, je veux vous poser une question plus précise sur votre projet de loi et le comparer au projet de loi américain qui a été adopté en décembre dernier.
Aux États-Unis, comme pour votre projet de loi, on interdit l’importation de toutes les marchandises fabriquées en totalité ou en partie dans la province du Xinjiang. Cependant, le projet de loi américain contient une exception importante : cette interdiction est levée si la compagnie importatrice est capable de prouver aux douaniers que les marchandises n’ont pas été fabriquées grâce à du travail forcé. C’est un projet de loi qui est considéré comme très agressif aux États-Unis et qui a suscité un débat très difficile. On en est arrivé à ce compromis, c’est-à-dire qu’on donne la chance à la compagnie importatrice de se défendre avec des arguments solides. Pourquoi n’essayez-vous pas d’inclure une telle disposition dans votre projet de loi? Je comprends que la loi actuelle est complexe et qu’elle n’est pas mise en pratique. Cependant, il s’agit là de renverser le fardeau de la preuve.
Le sénateur Housakos : Merci de votre question, sénatrice. Premièrement, mon objectif n’est pas d’imiter la loi américaine. Je voulais que ce projet de loi soit assez rigide.
Comme je l’ai mentionné dans mon discours, je suis très ouvert à l’idée d’étudier d’autres options ou des amendements qui pourraient ajouter quelque chose aux objectifs de ce projet de loi. Je suis très ouvert à l’idée que vous soumettiez un amendement, afin que le projet de loi soit étudié et renvoyé au comité pour étude. Le seul problème avec cela, c’est que, selon mon expérience avec les Chinois, ils utilisent toujours des façons de contourner les règles et les lois.
(1730)
Par exemple, depuis quelques mois maintenant, je crois qu’ils ont compris que les Canadiens, les Américains, les Anglais et les Australiens sont en train de prendre des mesures difficiles. Selon de nombreuses sources, les Chinois sont en train de déplacer les Ouïghours du Xinjiang à d’autres endroits en Chine pour les utiliser encore une fois pour du travail forcé. En même temps, ils sont assez habiles pour dire qu’on est en train de mettre en place des conditions qui vont réduire l’importation de produits qui provenant du Xinjiang.
Je ne suis pas fermé à votre proposition. Toutefois, il faut se rappeler que le gouvernement chinois est très innovateur lorsqu’il s’agit de contourner les lois de différents pays et à différents moments.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup de cette réponse, sénateur Housakos.
(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénateur Plett, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale).
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-205, qui a été présenté dans cette enceinte par mon collègue le sénateur Boisvenu, qui commence ici un autre chapitre dans la mission qu’il s’est donné de défendre les femmes violentées. Je salue son engagement de longue date.
Comme tout le monde, j’ai été horrifiée par les 18 présumés féminicides commis au Québec dans un contexte conjugal pour la seule année 2021. La violence conjugale est un fléau qui illustre à quel point nous n’avons pas atteint l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle peut même devenir une question de vie ou de mort. À l’échelle canadienne, selon Statistique Canada, 47 % des femmes victimes de meurtre ont été tuées par un partenaire intime, contre seulement 6 % pour les hommes.
Dix-huit féminicides, c’est 18 de trop, qui s’inscrivent bon an mal an dans une mer de 20 000 infractions contre la personne rapportées et commises au Québec dans un contexte de violence conjugale. C’est énorme et c’est extrêmement difficile à gérer pour les services policiers et le système de justice, qui sont toujours confrontés à des ressources limitées et à des évaluations de risques contenant une part de subjectivité.
Depuis des années, je m’interroge sur les solutions possibles à cette peur dans laquelle vivent trop de femmes.
Je ne suis pas une adepte de sentences minimales et de peines d’emprisonnement plus lourdes. La preuve n’a jamais été faite qu’une telle approche, encore plus punitive, aurait un effet dissuasif qui réduirait la criminalité.
J’ai toutefois constaté la peur envahissante des femmes victimes de violence conjugale au moment de la libération de leur conjoint ou ex-conjoint. J’en ai rencontré et je les ai écoutées. Elles revivent sans cesse des traumatismes, elles qui ont été épiées, surveillées, attaquées par un conjoint violent, et qui ont craint pour la sécurité de leurs enfants.
En attendant que les mentalités changent et que les agressions ne soient plus utilisées comme un outil de contrôle par des hommes violents, il faut absolument assurer une meilleure prévention et trouver un système qui encadre et protège le mieux possible les victimes.
C’est en ce sens que j’ai un préjugé favorable pour l’utilisation des bracelets antirapprochement, comme le propose le projet de loi S-205. Je les vois comme un outil de plus — mais pas une solution miracle — pour permettre aux victimes de ne pas vivre dans la terreur quand leur ex-conjoint est remis en liberté. Plusieurs groupes de femmes réclament ces bracelets antirapprochement depuis des années.
Toutefois, il est important de noter que le projet de loi S-205 permettrait à un juge d’imposer à un accusé le port du bracelet électronique à toutes les étapes du processus judiciaire, y compris avant le verdict. Or, après consultation, il me semble qu’il serait plus prudent que ce bracelet fasse seulement partie des conditions de remise en liberté des personnes reconnues coupables de violence conjugale, du moins, dans un premier temps. J’y reviendrai.
Il me semble également que l’ajout du bracelet pourrait représenter une utilisation judicieuse de nos progrès électroniques. Pour une fois, cette utilisation serait axée sur l’intérêt public dans le but de protéger des personnes vulnérables, et non pour faire de la surveillance abusive, qu’elle soit commerciale ou sécuritaire.
Certains s’inquiètent et se demandent si ces dispositifs de surveillance sont trop intrusifs, et s’ils pourraient nuire à la réhabilitation des contrevenants. Si l’on se fie à l’étude de la criminologue espagnole Lorea Arenas, il semble que ces inquiétudes ne sont pas fondées. Les contrevenants interrogés jugent que le port de ce bracelet n’est pas une sanction plus grave que la prison. Ils considèrent qu’il y a plus d’avantages à vivre à l’extérieur de la prison, même si ce bracelet, porté 24 heures sur 24, peut être inconfortable ou nuire à leur vie de famille.
Le bracelet électronique fonctionne par géolocalisation. Il se compose de deux parties : un bracelet porté par le contrevenant et un dispositif qui est en possession de la victime. Le dispositif prévoit deux zones : une zone de préalerte et une zone d’alerte. Dès que le contrevenant pénètre dans la zone de préalerte, il reçoit un appel lui indiquant de rebrousser chemin. S’il n’obéit pas et pénètre dans la zone d’alerte, l’intervention policière est déclenchée.
Ce qui est rassurant dans la façon dont ce bracelet devrait être utilisé, c’est qu’il met les femmes au cœur de la prise de décision. En effet, le paragraphe 2(3.1) du projet de loi S-205 prévoit que, avant toute décision du juge de paix, les victimes devront être consultées sur leurs besoins en matière sécurité.
Comme je le disais plus tôt, il ne faut toutefois pas voir le bracelet électronique comme une panacée. Certes, il a eu des résultats très positifs en Espagne, où seulement 2 des 800 femmes munies du dispositif antirapprochement ont été tuées. Cependant, d’autres critères ont pu jouer un rôle, comme la présence de tribunaux spécialisés, la formation des juges, l’encadrement des victimes et les ressources policières.
Je note que le projet de loi présenté par le sénateur Boisvenu va plus loin que le projet de loi no 24, qui est actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale du Québec. Le Québec souhaite imposer le port de ce bracelet aux agresseurs qui ont été condamnés pour violence conjugale, qui purgent leur peine dans une prison provinciale et qui sont admissibles à une libération conditionnelle.
Le projet de loi S-205 veut étendre cette utilisation aux prévenus dans un contexte de violence conjugale.
Or, selon les expertes à qui j’ai parlé, cette utilisation du bracelet avant le verdict est beaucoup plus controversée. Je cite d’abord le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, au Québec :
[…] dans nombre de cas, ces ex-conjoints tentent par tous les moyens de maintenir leur emprise sur leur ex-partenaire. C’est d’ailleurs au moment de la séparation, lorsqu’ils ont le sentiment que celle-ci leur échappe, que les risques de létalité, pour la femme et pour ses enfants, sont les plus grands.
Les conjoints violents sont plus dangereux, plus susceptibles de passer à l’acte quand il y a un changement dans leur situation. Cela peut se produire au moment de la séparation ou de la dénonciation à la police, quand ils perdent le contrôle sur leur conjointe, quand leur vie s’écroule et que les problèmes financiers et d’hébergement s’accumulent.
Or, en général, tout cela se passe avant le procès, donc avant que le verdict soit prononcé. Selon les consultations que j’ai menées, c’est à ce moment-là que la remise en liberté avec un bracelet antirapprochement serait trop risquée, car elle peut donner un faux sentiment de sécurité à la victime face à un ex-conjoint qui représente encore un trop grand danger.
Une alarme au poste de police ne garantit pas une intervention assez rapide pour éviter tous les drames. Pour cette raison, toujours selon les personnes que j’ai consultées, il vaut mieux garder les prévenus en prison plutôt que de les libérer avec un bracelet à la cheville.
Je cite à nouveau le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, à propos de l’utilisation du bracelet avant procès :
[…] on pourrait être tenté d’utiliser le BAR [bracelet antirapprochement] alors qu’autrement on aurait gardé le conjoint violent en détention en raison des risques qu’il comporte pour son ex-conjointe ou ses enfants.
(1740)
Dans bien des cas, le niveau de dangerosité des hommes violents diminue avec le temps qui passe, et ce, particulièrement après qu’ils ont purgé une peine. Les autorités sont alors mieux placées pour évaluer le véritable risque qu’une remise en liberté entraîne, car ces hommes sont suivis plus longtemps et par différents intervenants. Le bracelet antirapprochement apparaît alors comme un outil utile que l’on met à la disposition des services correctionnels.
Par ailleurs, un autre élément suggère que les bracelets électroniques ne sont pas une panacée, surtout au Canada, en raison de la faible densité humaine dans bien des régions de notre grand pays.
Dans les villes, où la densité est élevée et les distances sont courtes, on peut imaginer que la police est en mesure d’intervenir à temps si le signal d’alerte indique que le contrevenant est entré dans la zone proscrite. Cependant, le bracelet pourrait s’avérer beaucoup moins efficace dans les zones rurales, où les services policiers sont dispersés et les distances à franchir sont plus grandes. En cas d’alerte, il est loin d’être certain que les policiers pourraient se rendre à temps à la victime. De plus, les régions éloignées sont très mal desservies par les réseaux cellulaires.
Cela étant dit, il est clair que la seule possibilité qui existe en ce moment, soit une ordonnance au prévenu de ne pas troubler la paix — ce que l’on appelle communément un 810 —, est tout sauf un gage de sécurité pour les femmes.
Toutes les parties prenantes nous ont dit que les nombreuses plaintes des victimes pour non-respect de conditions sont souvent sans suite, et il n’y a pas de mécanisme de surveillance proactif, faute de personnel.
Les femmes violentées ne veulent pas toujours avoir recours aux tribunaux pour obtenir justice. C’est un processus long et ardu, qui, dans bien des cas, prolonge le traumatisme. Elles veulent passer à autre chose; c’est ce qui rend le bracelet électronique si séduisant, mais il serait sans doute plus prudent d’y aller par étapes.
D’abord, il faudrait évaluer comment cet outil fonctionne pour les libérations conditionnelles après verdict, et ce, avant de l’utiliser dans les cas où l’évaluation du risque posé par l’agresseur est plus difficile à faire.
Je suis consciente que plusieurs féminicides surviennent bien avant le procès, et que l’on reste aux prises avec des instruments de contrôle inadéquats à court terme.
En raison de la présomption d’innocence, la majorité des accusés sont rapidement libérés sous condition. C’est ici que des évaluations sérieuses de leur dangerosité sont essentielles. Le projet de loi S-205 prévoit qu’un juge peut imposer une thérapie liée à la violence familiale ou à la toxicomanie à un prévenu à l’étape de la liberté provisoire.
Je n’ai pas consulté d’experts sur cette question, et je les laisserai se prononcer sur l’efficacité et la légalité des thérapies imposées avant une sentence.
Pour conclure, je crois que le projet de loi de mon collègue mérite un examen sérieux en comité. Il faut trouver un équilibre pragmatique dans les mesures déployées et ne pas céder à l’effet de mode d’un nouveau gadget — qui n’est pas non plus sans risque.
C’est la protection réelle des victimes qui doit primer, dans le respect de nos droits et libertés.
Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce que vous accepteriez de répondre à une question du sénateur Boisvenu?
La sénatrice Miville-Dechêne : Certainement.
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Merci beaucoup, madame la sénatrice.
J’ai beaucoup aimé lire votre mémoire. Par contre, j’ai quelques questions sur certaines informations que vous nous avez livrées.
Oui, il est vrai que la majorité des femmes, pratiquement les trois quarts, sont assassinées avant que la personne inculpée puisse comparaître devant un juge. Il faut aussi comprendre que, dans la majorité des cas, il n’y aura pas de procès et que l’on imposera plutôt un 810, soit une ordonnance de ne pas troubler la paix.
Beaucoup de ces femmes ne verront donc jamais leur mari, conjoint ou ex-conjoint comparaître devant un juge et subir un procès.
Les 810, dans bien des cas, ont remplacé le processus du procès. Donc, sans l’aide d’un outil de surveillance comme celui que je propose dans le projet de loi, je crois qu’on risque d’avoir un bilan énorme, dans quelques années, pour ce qui est des femmes assassinées.
Cela dit, vous dites dans votre mémoire que le bracelet électronique peut être dangereux et, dans la même phrase, vous affirmez qu’en Espagne, parmi les 800 femmes dont les cas ont été étudiés — du moins pour les femmes qui portaient le bracelet électronique —, il n’y a eu que deux meurtres.
Ne voyez-vous pas une contradiction dans ces deux affirmations, soit de dire que, d’un côté, « le bracelet est dangereux » et que, d’un autre côté, il n’y a eu que deux meurtres en Espagne, qui utilise le bracelet électronique depuis près de 15 ans?
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie de votre question.
Comme je l’ai dit lors de mon allocution, il y a d’autres critères qui sont en cause dans la situation en Espagne qu’il faudrait probablement prendre en compte pour faire une étude plus sérieuse sur l’impact du bracelet dans un encadrement beaucoup plus important que le nôtre. Voilà une première chose.
Cela dit, vous avez raison de dire que j’ai des réserves, j’ai des réserves, parce que, comme vous le savez, le gouvernement du Québec, qui a fait une analyse poussée de la situation, a lui aussi déterminé que cet outil qu’est le bracelet électronique lui servirait après le verdict.
Évidemment, je ne connais pas toutes les raisons, mais je suis assez sûre que le problème que j’ai soulevé est à la source de leurs inquiétudes. Pour l’instant, il faut comprendre comment ce bracelet électronique fonctionne.
Si on le donne en grande quantité à des prévenus dont on n’a pas mesuré la dangerosité, le danger, justement, c’est que les victimes se croient protégées par un bracelet et qu’elles prennent alors plus de risques. C’est cela qui est dangereux, sénateur Boisvenu, soit qu’en fin de compte, les victimes fassent trop confiance à un outil qui ne les protège pas totalement. La présence de cet outil pourrait faire en sorte que des juges libèrent davantage des prévenus qui sont, en fait, dangereux.
Or, sur ce point, je pense qu’il faut être prudent et y aller par étapes dans la mise en place de cet outil.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une autre question?
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.
Le sénateur Boisvenu : La raison pour laquelle Québec n’applique le bracelet qu’à ceux qui sont reconnus coupables, c’est parce qu’il n’a pas compétence sur ceux qui sont accusés.
Voici ma dernière question : vous dites que le bracelet électronique s’appliquerait aux délinquants incarcérés sous responsabilité fédérale.
Ce n’est pas du tout le cas, mon projet de loi s’applique plutôt à tous ceux qui sont mis en accusation. Pourquoi avez-vous mentionné dans votre mémoire que le projet de loi s’applique aux détenus qui sont incarcérés sous responsabilité fédérale?
Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénatrice Miville-Dechêne, mais votre temps de parole est écoulé.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
[Traduction]
La Loi sur les compétences linguistiques
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (gouverneur général).
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-220. Je tiens à remercier le sénateur Carignan d’avoir présenté le projet de loi, qui donne ainsi aux sénateurs l’occasion de discuter et de débattre du bilinguisme. Il leur donne également la chance de soulever la question dont personne ne veut parler. Il s’agit de la question fondamentale concernant l’histoire des langues au Canada, leur utilisation dans la colonisation historique et actuelle des Premières Nations, des Métis, des Inuits et des Indiens non inscrits ainsi que les effets de cette assimilation et de cette oppression continues de nos jours.
(1750)
En tant que parlementaires, nous avons l’occasion de mettre fin à la subordination continue des langues et des identités autochtones au Canada. Comme les sénateurs Downe, Dalphond et Carignan l’ont indiqué dans leur discours, je tiens d’abord à répéter que les Français et les Anglais ne sont pas les peuples fondateurs du Canada. Les Premières Nations et les Inuits vivent sur ces terres depuis des temps immémoriaux. Ils avaient leurs propres systèmes de gouvernement, notamment des lois et des constitutions, leurs propres structures et fonctions sociétales au sein de communautés fortes ainsi qu’un lien étroit avec le territoire et les ressources naturelles environnantes.
Les Métis sont arrivés plus tard. Ce sont les enfants des Premières Nations et des Européens. Au départ, les Métis avaient le grand don de pouvoir faire le pont entre les deux mondes, jusqu’à ce que le racisme et la concurrence les marginalisent. À l’époque, il n’y avait pas d’Indiens non inscrits, étant donné que la Loi sur les Indiens n’était même pas encore une idée.
Comme vous le savez, cette loi a eu des répercussions extrêmement négatives sur les Premières Nations, qui ont ouvert la voie à l’aliénation durable des premiers peuples et de leurs descendants.
Les Premières Nations et les Inuits étaient les premiers habitants de ce pays. Pourquoi leurs langues ne sont-elles donc pas officiellement reconnues comme le sont le français et l’anglais? Les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Indiens non inscrits possèdent leurs propres connaissances traditionnelles qui sont anciennes, particulières et inégalées et qui sont transmises par la langue et la culture. Nous ne disons pas que tout le monde doit apprendre ces langues; nous disons que nos langues sont tout aussi importantes que l’anglais et le français. Nous avons eu beaucoup de mal à les préserver pendant des siècles de colonialisme. Il existe maintenant une loi fédérale qui appuie leur survie et leur résurgence. Ne devrions-nous donc pas les inscrire dans la loi? En Afrique du Sud, par exemple, 11 langues sont reconnues officiellement dans la constitution de 1996, et 11 autres doivent être promues et développées.
Honorables sénateurs, les Premières Nations ne veulent plus qu’on les empêche d’intégrer et de refléter leur propre diversité ethnoculturelle. La langue joue un rôle important; elle peut donner une identité, mais aussi l’éliminer. La domination des langues française et anglaise et le pouvoir qu’elles possèdent continuent d’affaiblir et d’amoindrir les cultures autochtones. Je ne veux pas que nos générations futures continuent d’exister pour les autres.
Le fait de donner la primauté à une langue est une forme d’exercice de la souveraineté. Pourquoi alors les peuples autochtones devraient-ils continuer de réprimer leurs langues et de s’en tenir à un gouvernement de troisième échelon? Les Premières Nations, les Inuits et les Métis sont des peuples qui se gouvernent eux-mêmes et des nations souveraines. En cri, « souverain » se dit : e-ti-pee-thi-mi-soot, ce qui signifie « il ou elle s’appartient ».
À la base, honorables sénateurs, la langue sert à être en rapport avec les autres. Elle est importante parce qu’elle est utile. La langue est un outil puissant. C’est ce qui explique pourquoi certains veulent conserver leur langue maternelle et pourquoi d’autres veulent faire disparaître cette langue.
Honorables sénateurs, vous savez tous que j’ai été claquemurée dans un pensionnat indien pendant 11 ans, de l’âge de 5 ans à 16 ans. On m’a empêchée de parler ma langue, on m’a plongée dans un monde anglophone, où des religieuses et des prêtres français m’ont forcée à adopter l’anglais.
À l’âge de huit ans environ, alors que j’étais chez moi pour l’été, je me suis adressée à mon père en cri. Celui-ci s’est alors retourné et m’a dit : « Parle anglais. » Je me souviens d’avoir été abasourdie. J’ai découvert plus tard qu’il voulait que je maîtrise la langue anglaise, parce que nous n’avions pas le choix. Au pensionnat, on se faisait punir quand on parlait cri. Plus tard, mon père m’a dit que je pourrais réapprendre le cri parce que, comme je l’avais déjà parlé couramment, cette langue resterait en moi. Je suis toujours en train de la réapprendre.
Chers collègues, savez-vous à quel point il est difficile de réapprendre sa langue maternelle après qu’on vous a forcé à l’oublier? Les mots sont clairs dans mon esprit, mais je suis incapable de les dire, surtout par honte, mais aussi parce que cela fait longtemps que je n’utilise plus les muscles requis pour les prononcer.
Ma propre langue m’est devenue étrangère. Elle véhicule toujours la honte associée au fait qu’on m’ait dit à un très jeune âge qu’elle était celle d’une personne sauvage et non civilisée. Qui m’a dit cela? Les religieuses et les prêtres francophones qui dirigeaient l’école Guy Hill, un pensionnat autochtone.
Surmonter cette honte a été un processus complexe et difficile, en particulier lorsqu’on ne comprend pas l’origine de cette honte. Cette difficulté que j’ai à réapprendre ma langue est profondément ancrée dans la honte.
Le 10 décembre 2021, j’ai conduit jusqu’à Saint-Hyacinthe, au Québec, m’y rendant seule pour la première fois de ma vie. J’y étais allée à quelques reprises avec ma fille pour rendre visite à des religieuses qui avaient été à l’école Guy Hill. J’étais liée par l’esprit à ces religieuses. Sœur Evelyn, en particulier, avait été ma mère de substitution après le décès de ma propre mère alors que j’avais cinq ans.
J’avais fait des recherches pour retrouver sœur Evelyn et j’avais découvert, en 2013, qu’elle était à la maison de retraite des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe. Quand je suis arrivée sur les routes du Québec et que j’ai vu les panneaux routiers écrits seulement en français, une langue que je connais peu, j’ai été envahie par un sentiment de peur et de vulnérabilité. J’ai alors eu une véritable révélation. Je me suis rendu compte que j’avais encore, au plus profond de moi, une peur des francophones et de la langue française. Un sentiment de solitude m’a submergée, comme si j’étais de retour au pensionnat, où j’avais peu de prise sur ma vie et sur les décisions.
Ce jour-là, le temps était mauvais et, comme tous les panneaux étaient en français, je ne savais pas ce que disaient les avertissements placés le long de la route. Je me suis dit : « Alors qu’il est tellement question de respecter le bilinguisme, pourquoi les panneaux ne sont-ils pas bilingues au Québec? »
Honorables sénateurs, comme je l’ai déjà dit, ma mère était métisse. Sa famille a fui jusqu’à Brochet, au Manitoba, après avoir été chassée de la terre qu’elle avait à Selkirk, au Manitoba. Quand j’ai fait faire mon arbre généalogique, en 2018, j’ai découvert que la famille de ma mère vient de France, d’où mon ancêtre est parti en 1500. Je me suis alors dit : « J’ai maintenant une raison d’apprendre le français. Mais je dois tout d’abord réapprendre ma langue maternelle, la langue crie. »
Dans mon parcours personnel pour me réconcilier avec mon identité crie, j’ai cherché des moyens d’appréhender les raisons pour lesquelles les structures au Canada continuent — que ce soit voulu ou non — de contribuer à l’élimination des cultures, des politiques, de l’identité et du lien avec la terre des Premières Nations, des Métis, des Inuits et des Indiens non inscrits.
Les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Indiens non inscrits chérissent leur langue de la même façon que les Français et les Anglais chérissent la leur. Pour nous, la langue est inséparable de notre corps et de notre esprit, de notre culture, de notre histoire, de notre terre et de notre environnement, tout comme vous. Et pourtant, nous avons deux histoires distinctes. La vôtre est plus privilégiée que la mienne et il semble que nous soyons obligés de continuer à suivre ces deux chemins séparés.
Les francophones conservent leur culture et leur langue parce qu’ils ont eu ce privilège par l’application unilatérale d’une loi fondée sur le postulat erroné qu’ils sont une nation fondatrice. Mais nous n’avons pas pu conserver les nôtres, même si nous étions les premiers habitants. Au lieu de cela, les Français et les Anglais ont transmis leurs pensées, leurs croyances et leurs coutumes par le biais de la langue, utilisée comme outil culturel d’oppression. Pourtant, les Premières Nations n’ont jamais pleinement accepté cette souveraineté violente, culturelle et linguistique. Au lieu de cela, nous continuons à faire notre propre chemin pour retrouver notre souveraineté, car nous sommes de plus en plus nombreux à conserver nos langues.
Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Carignan a déclaré qu’il voulait ajouter le gouverneur général du Canada à la liste des 10 mandataires du Parlement qui doivent être bilingues au moment de leur nomination. La gouverneure générale, Mary Simons, est actuellement bilingue; elle parle anglais et inuktitut. De nombreuses personnes à travers le pays m’ont fait part de leur fierté et de leur espoir de voir l’un des leurs accéder au sommet de notre hiérarchie constitutionnelle. J’aimerais bien que les peuples autochtones aient un commissaire aux langues pour que nous puissions entendre les deux côtés de cette conversation.
(1800)
Mary Simon est la personne idéale pour diriger le processus de réconciliation-conciliation au Canada. Il est important qu’elle...
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice McCallum, je dois vous interrompre.
Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 25 novembre 2021, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.
Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».
Nous poursuivons donc la séance.
La sénatrice McCallum : Le Canada devrait être fier qu’une Inuite ait été nommée gouverneure générale. Cela approfondira les liens entre nos peuples et renforcera les relations dans notre pays et aussi à l’international, avec nos partenaires qui ont leurs propres populations autochtones.
Je veux commencer par dire que je comprends la lutte des francophones pour la reconnaissance de leurs droits linguistiques. Toutefois, les langues autochtones méritent autant de considérations et de droits. Si nous voulons encourager et habiliter les jeunes autochtones à conserver leurs propres langues, il faudrait le signaler au moyen d’une codification dans la Constitution. Cela permettrait une meilleure cohésion sociale dans ce pays. Il convient de répéter que l’un des rôles constitutionnels du Sénat est de protéger et de défendre les minorités, dont les peuples autochtones.
Chers collègues, je crois que ce projet de loi doit être mis aux voix, puis renvoyé au comité, où il bénéficiera grandement de perspectives autochtones et autres. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Mercer a une question à vous poser, sénatrice McCallum. Accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice McCallum : Oui.
L’honorable Terry M. Mercer : Sénatrice McCallum, je vous suis reconnaissant de votre discours et d’où vous voulez en venir. Je voudrais avancer un argument. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais l’usage des langues autochtones est autorisé au Sénat depuis des années, et il est même encouragé. Bien entendu, il faut prévoir des traducteurs pour que les langues autochtones soient traduites en français et en anglais, et vice versa. J’encourage tout sénateur qui parle une langue autochtone à explorer cette possibilité pour nous faire connaître cette langue.
C’est de l’information plutôt qu’une question. Je ne sais pas si vous êtes au courant. Depuis que j’ai été appelé au Sénat, j’y ai entendu des langues autochtones à de nombreuses reprises, mais, comme je l’ai dit, il faut prendre des dispositions pour assurer la traduction en français, en anglais et dans la langue autochtone en question.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie de cette information. Au-delà de parler les langues autochtones au Sénat, je veux que cette possibilité soit inscrite dans la Constitution et qu’elle soit reconnue comme c’est le cas dans d’autres pays. Je vous remercie beaucoup de votre intervention.
Le sénateur Mercer : Je vous en prie.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Downe, avez-vous une question?
L’honorable Percy E. Downe : Ce qui me préoccupe, sénatrice McCallum, c’est l’intention derrière ce projet de loi. Même si la proposition est très crédible, je crains qu’il puisse y avoir des conséquences imprévues en raison de sa portée limitée. On ne tient pas compte du fait que, lorsque les Français et les Anglais sont venus dans cette partie de l’Amérique du Nord, il y avait déjà au moins 90 langues autochtones. Ce projet de loi est devenu une mesure qui exclut davantage qu’on ne le voulait à l’origine. Je me demande si vous partagez mes inquiétudes à ce sujet.
La sénatrice McCallum : Oui, je partage vos inquiétudes. C’est pour cela que j’ai dit que le projet de loi devrait être renvoyé à un comité, car nous devons explorer tous les aspects de la langue et déterminer la voie à suivre en ce qui a trait aux langues autochtones. Merci.
(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)
Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Dean, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi de la sénatrice Pate, le projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
Le projet de loi prévoit que le ministre établisse un cadre national pour mettre en place un programme de revenu de base garanti au Canada, pour toutes les personnes âgées de plus de 17 ans, y compris les travailleurs temporaires, les résidents permanents et les demandeurs d’asile.
Je sais que, pour certains de mes collègues, l’idée de mettre en place un revenu de base au Canada semble radicale, mais je pense au contraire que cette mesure aurait des répercussions positives à long terme sur la vie des Canadiens.
Alors que je pensais aux lois ayant eu une influence notoire, la Loi canadienne sur la santé m’est venue à l’esprit. Dans un chapitre intitulé « Les valeurs et leur influence sur l’opinion des Canadiens » du rapport d’étape de la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, le Commissaire Roy Romanow écrit :
Presque tous les Canadiens qui ont participé aux consultations jusqu’à présent veulent que les plus pauvres de notre société se voient garantir l’accès aux soins de santé dont ils ont besoin. Ils veulent un système qui leur offre une protection contre des problèmes de santé ou des accidents d’une telle gravité que leurs coûts pourraient entraîner la ruine.
Dans un document intitulé Waiting For Romanow : Canada’s Health Care Values Under Fire, qui veut dire en français « En attendant Romanow, pleins feux sur les valeurs canadiennes en matière de santé », Arthur Schafer de l’Université du Manitoba explique la chose suivante :
[...] c’est l’une des vertus inestimables de l’assurance-maladie canadienne que de permettre à ceux qui perdent leur emploi de ne pas perdre également, ce qui serait catastrophique, leur couverture en vertu du régime public d’assurance-maladie. Dans les bons et les mauvais moments, le principe d’universalité se traduit par la garantie des soins de santé.
Notre système universel présente deux autres avantages : les travailleurs canadiens, contrairement à leurs homologues américains, ne sont pas contraints, par peur de perdre leur assurance-maladie, de continuer à occuper des emplois qu’ils détestent, ce qui rend le marché du travail plus souple et efficace.
Un bon exemple de la façon dont un régime de soins de santé garanti permet l’épanouissement de l’être humain est celui de Hank Green, auteur et entrepreneur américain, atteint d’une colite, dont le traitement est extrêmement coûteux. Il ne parvenait pas à obtenir d’assurance-maladie et pensait devoir trouver un emploi dans une grande entreprise pour ne pas faire faillite en raison de ses factures de soins médicaux. Mais grâce à Obamacare et à la loi du Montana, Hank a pu obtenir de l’assurance-maladie. Dans les années qui ont suivi, il a écrit deux romans à succès, lancé plusieurs entreprises et créé deux chaînes YouTube éducatives intitulées Crash Course et SciShow.
Vos enfants et petits-enfants ont probablement déjà visionné certaines de ses vidéos. Selon son frère, John, ces émissions sont suivies par plus d’un million de personnes par jour et emploient des dizaines de personnes.
Le fait de trop inciter les gens à travailler pour de grandes entreprises étouffe l’esprit d’entreprise et la création d’emplois. C’est non seulement mal du point de vue moral, mais c’est aussi mauvais pour les affaires.
(1810)
Si l’un des avantages de notre système de santé universel est que les Canadiens ne sont pas obligés, par crainte de perdre leur assurance, de garder un emploi qu’ils détestent, j’estime qu’un revenu garanti suffisant aurait un effet similaire.
L’insécurité financière a de véritables conséquences psychologiques. L’un des critères communs pour mesurer la sécurité financière est la capacité de couvrir une dépense inattendue. Dans l’Enquête canadienne sur les capacités financières de 2019, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada a constaté que les personnes qui ont un conjoint de fait, qui sont séparées ou divorcées ou qui n’ont jamais été mariées, et tout particulièrement les chefs de famille monoparentale, sont moins susceptibles d’avoir un fonds d’urgence pour pouvoir couvrir une dépense imprévue de 2 000 $. Par ailleurs, les femmes sont moins certaines que les hommes d’avoir les moyens de payer une dépense imprévue de 2 000 $.
L’American Psychological Association souligne que la rareté financière épuise les ressources mentales, en accaparant notre attention et en ayant une incidence sur nos choix, et accentue les émotions négatives, ce qui influe sur nos décisions. Elle ajoute que les effets de cette rareté contribuent au cycle de la pauvreté. La rareté financière, comme le dit cette association, est vraiment problématique. Lorsqu’on demande à des personnes à faible revenu de penser à des dilemmes financiers, leur aptitude à la résolution de problèmes diminue. On n’observe pas le même effet chez les personnes à revenu élevé. La privation chronique peut diminuer les capacités psychologiques, ce qui nuit aux capacités cognitives et à la prise de décision.
Comme l’a déjà dit la sénatrice Pate, notamment ce soir, les personnes qui n’ont pas de filet de sécurité consacrent une part tellement grande de leurs capacités mentales à leur survie qu’il leur est plus difficile de s’investir dans leur épanouissement.
Quel avantage retireraient ces personnes d’un revenu de base garanti suffisant? Les résultats d’une étude finlandaise nous éclairent quelque peu sur ce point : des chercheurs de l’Université d’Helsinki ont versé 560 euros par mois à 2 000 chômeurs choisis au hasard. Les versements n’étaient pas conditionnels à la recherche d’un travail et ils n’étaient pas réduits si le participant acceptait un emploi.
Le quotidien britannique The Guardian a résumé les résultats de l’étude : même si les participants ont vécu des expériences fort diverses, ils étaient en général davantage satisfaits de leur vie et ressentaient moins de fatigue mentale, de sentiments dépressifs, de tristesse et de solitude que les sujets du groupe témoin. Sur le plan de l’emploi, les chercheurs ont observé une légère incidence positive puisque les participants avaient tendance à obtenir de meilleurs résultats dans d’autres aspects liés au bien-être, notamment un sentiment accru d’autonomie, de sécurité financière et de confiance en l’avenir.
Les améliorations sur le plan de la santé mentale me tiennent particulièrement à cœur. Malheureusement, les ressources en santé mentale sont limitées dans notre pays. Si l’on traitait les problèmes de santé mentale ancrés dans l’insécurité financière en mettant fin à cette dernière, on contribuerait toutefois à réduire la pression sur notre système surchargé de ressources en santé mentale.
Le projet de loi de la sénatrice Pate constitue un premier pas dans cette direction. Je l’en remercie.
En novembre 2020, le Comité spécial sur la pauvreté de l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard a déposé un rapport dont la recommandation principale est l’instauration d’un revenu de base garanti. L’Île-du-Prince-Édouard est prête à jouer un rôle dans l’élaboration d’un cadre relatif au revenu de base garanti et d’être l’hôte d’un projet visant à prouver son utilité. Nous devons mener cette expérience, mettre au point les mécanismes et déterminer comment en faire un programme national.
Dans une entrevue accordée à un autre journal appelé The Guardian — cette fois-ci, à Charlottetown —, le premier ministre Dennis King a fait remarquer qu’un revenu de base garanti pourrait avoir une incidence positive sur la participation au marché du travail à l’Île-du-Prince-Édouard, car les gens ne craindraient pas de perdre leurs prestations en acceptant un emploi à temps partiel. Le premier ministre King aimerait qu’une expérience soit menée dans la province, mais il a insisté sur la nécessité pour le gouvernement fédéral de collaborer :
... j’aimerais vraiment que nous trouvions un moyen pour que le gouvernement fédéral se penche sérieusement sur la question et en parle avec nous.
... l’autre aspect à prendre en compte [...] est la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons. Existe-t-il un moyen pour que nous puissions changer certains de nos programmes — que ce soit concernant l’aide sociale ou autres — pour aider les gens à travailler plus et à mettre de l’argent de côté, au lieu de ces programmes désuets qui dissuadent les gens de travailler?
En 2019 et 2020, l’honorable Ernie Hudson, qui était alors ministre du Développement social et du Logement de l’Île-du-Prince-Édouard, a écrit deux fois — je dis bien deux fois — à son homologue fédéral. Ces missives ont été suivies d’une lettre du premier ministre provincial au premier ministre fédéral pour envisager à quoi pourrait ressembler un revenu de base à l’Île-du-Prince-Édouard.
Soit dit en passant, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard n’est pas resté les bras croisés en attendant la venue d’un partenaire fédéral. L’Île a mis en place un programme pilote dans le cadre duquel le revenu de base correspondait à 85 % de la Mesure du panier de consommation pour soutenir les bénéficiaires d’aide sociale admissibles, les jeunes qui cessent d’être pris en charge et les Prince-Édouardiens handicapés.
Jusqu’ici, 590 habitants ont pu bénéficier de ce revenu de base ciblé, qui a permis de répondre aux besoins fondamentaux des personnes vivant avec un handicap ou des limitations qui intégraient la population active, et de leur garantir une meilleure qualité de vie.
Il y a une citation inspirante qu’on voit souvent dans les classes ou les salles d’entraînement et qui se lit comme suit : « Que seriez-vous prêt à tenter si vous saviez que vous ne pouvez pas échouer? » Je me demande quelle nouvelle carrière les gens pourraient vouloir essayer s’ils savaient qu’ils pourraient toujours payer le loyer si cela ne fonctionne pas. Je me demande quelles nouvelles entreprises les gens tenteraient de lancer s’ils savaient qu’ils pourraient toujours faire l’épicerie s’ils ne font de profits dans les premiers mois. À quel point les soins aux enfants et aux aînés pourraient-ils être améliorés? Quels seraient les bénéfices sur la santé physique et mentale de la population?
Chers collègues, je suis impatiente de le découvrir. Joignez-vous à moi pour soutenir le projet de loi de la sénatrice Pate pour nous lancer dans cette emballante aventure.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable David Richards : La sénatrice Griffin accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Griffin : Bien sûr.
Le sénateur Richards : Je m’interroge depuis un bon bout de temps au sujet des pour et des contre de cette question. Est-ce que le coût de la vie augmenterait — par exemple, les taux d’intérêt et les loyers — pour tous ces gens sans un encadrement réglementaire du gouvernement et, le cas échéant, est-ce que ce serait une bonne chose à long terme?
La sénatrice Griffin : Sénateur, c’est une excellente question. Je ne suis pas économiste, mais les gens à qui nous avons demandé de travailler sur ce dossier le sont, eux. C’est pour cette raison que le premier ministre de la province et ses ministres ont communiqué avec le gouvernement fédéral pour lui demander de les aider à produire un cadre qui permettrait d’avoir une idée de ce à quoi ressemblerait la mise en œuvre de cette mesure.
Nous ne voulons pas accentuer l’inflation. Nous ne voulons pas que le prix des loyers augmente; ils ont déjà augmenté de toute façon, comme le prix des maisons. Nous ne voulons pas exacerber cette croissance.
Il est important que les gens qui ont ces connaissances aillent à l’Île-du-Prince-Édouard pour régler toutes les questions avant d’étendre la mesure à l’ensemble du pays. Je crois que la sénatrice Pate a déjà cité quelques exemples à ce sujet dans son discours à l’étape de la deuxième lecture. Je pourrais les retrouver pour vous, sénateur Richards.
Merci.
Le sénateur Richards : Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
(1820)
Énergie, environnement et ressources naturelles
Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources—Suite du débat
Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, motions, article no 12 :
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs positifs et négatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales, dès que le comité sera formé, le cas échéant;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2022.
L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la motion no 12 présentée par la sénatrice McCallum demandant que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs positifs et négatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales.
Je suis convaincue que cette étude serait très utile pour comprendre l’incidence globale de l’extraction et du développement des ressources au Canada. Je dis « incidence globale » parce que les Canadiens, et surtout les parlementaires, sont souvent bombardés de messages partiaux faisant l’éloge des contributions positives de l’extraction des ressources au PIB du Canada, à l’emploi et aux recettes du gouvernement.
Ces voix amplifiées étouffent celles des communautés, des organismes non gouvernementaux, des universitaires et des scientifiques qui tentent de présenter d’autres aspects — positifs ou négatifs — et n’ont d’autre choix que de recourir à des manifestations pour attirer l’attention des médias.
J’ai enseigné à des étudiants en génie comment faire des évaluations environnementales pendant près de 30 ans. Un projet qui tient compte des besoins de la collectivité hôte et les intègre dès la conception sera un projet solide sur le plan technique et économique, sûr, prospère pour tous et bon pour la collectivité et l’environnement. À l’inverse, un projet monté en silo sans tenir compte des enjeux importants pour la collectivité risque de connaître des problèmes de mise en œuvre et causera presque assurément des irritants et de l’opposition qui pourraient entraîner la perte de précieux investissements. Personne ne souhaite se retrouver dans une telle situation, mais cela arrive pourtant fréquemment.
Pour prendre des décisions efficaces et fructueuses, il faut effectuer une analyse approfondie et égale des facteurs économiques, techniques, sociaux et environnementaux.
L’étude proposée est importante, car elle encouragera les échanges sur le type de développement que veulent les Canadiens. À cette fin, nous devons nous pencher sur ce qui se produit avant, pendant et après l’arrivée des projets d’extraction de ressources dans les collectivités. Qui sont ceux qui en tirent avantage? Quelle est leur incidence sur les collectivités? S’il y a des répercussions néfastes, quelles sont les mesures d’atténuation ou d’indemnisation mises en place? Est-ce que tout le monde est satisfait des projets?
En tant que parlementaires, nous donnons le meilleur de nous‑mêmes lorsque nous abordons les questions de manière globale en tenant compte de tous les facteurs — positifs, négatifs et aussi neutres — et que nous prenons des décisions éclairées qui s’appuient sur des études approfondies.
[Français]
Je vais réitérer un des points que j’ai soulevés lors de la dernière session parlementaire. Le manque de connaissances qui règne lors de la prise de décisions concernant l’extraction des ressources entraîne une répartition inégale des bénéfices et des pertes. Certains pourraient penser que cela ne se produit pas ou que cela ne se produit que dans les pays en développement. Or, ce n’est pas le cas. Mon travail m’a menée à de nombreux endroits dans le monde et dans la plupart des provinces du Canada, justement pour redresser des situations concernant les négociations avec les parties prenantes, l’atténuation des impacts, le traitement de polluants, l’exposition humaine aux produits toxiques et bien d’autres situations très graves.
Pour ne citer qu’un exemple parmi des centaines, la population du quartier de Limoilou, dans la ville de Québec, est exposée aux particules de poussière de nickel portées par le vent et provenant des activités du port de Québec. Ce fait n’est pas nié par le gouvernement ni l’industrie. La solution proposée par le gouvernement est d’adopter un niveau d’exposition plus élevé, une décision qui fait les manchettes de nos jours. On parle d’un niveau 60 fois plus élevé que la norme admissible actuelle. Sachant cela, chers collègues, habiteriez-vous à Limoilou?
Très souvent, on se concentre de manière disproportionnée sur les avantages économiques. De 2014 à 2019, l’industrie pétrolière et de l’acier a atteint une production record tout en réduisant sa main-d’œuvre de 23 %. Cette industrie reçoit des milliards de dollars en subventions chaque année. Elle a récemment reçu 1,7 milliard de dollars des fonds publics pour nettoyer des puits abandonnés. Pourtant, ces fonds n’ont pas augmenté le nombre de puits nettoyés. Ils ont plutôt remplacé l’argent que les corporations auraient dû verser en nettoyage. Où est donc passé le principe du pollueur-payeur?
De plus, l’industrie est sur le point d’obtenir l’autorisation de déverser 1,4 billion de litres d’effluents liquides dans l’environnement, le long de zones où habitent des populations autochtones. Les humains ne boivent pas de pétrole ni de ses polluants; nous avons besoin d’eau et d’air propre pour survivre.
D’autres impacts comprennent, par exemple, l’instabilité du climat en raison des émissions de gaz à effet de serre et la déstabilisation de notre économie à cause des phénomènes météorologiques extrêmes. Il suffit de penser à la destruction qu’ont entraînée les récentes inondations en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve, et à l’impact de ces inondations sur les chaînes d’approvisionnement et l’inflation qui en résulte.
En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité d’en comprendre les effets positifs, négatifs ou neutres, afin d’être de meilleurs législateurs et de promouvoir le bien-être de tous les Canadiens et Canadiennes.
[Traduction]
Chers collègues, pendant toute ma carrière, j’ai travaillé avec l’industrie dans plusieurs domaines, de l’infrastructure à l’extraction minière, en passant par le secteur pétrolier et gazier. Je vous prie de me croire quand je dis que je comprends la valeur du travail d’ingénierie requis pour améliorer la qualité de vie. Je comprends aussi que la société compte sur les ingénieurs pour accroître la résilience et réduire la vulnérabilité en adaptant les infrastructures aux phénomènes météorologiques extrêmes qui sont causés par le changement climatique. J’en suis tout à fait consciente.
Nous pouvons prendre des décisions intelligentes et globales si nous analysons tous les effets, qu’ils soient positifs, négatifs, cumulatifs, directs ou indirects. Cela serait avantageux pour nos collectivités et nos industries, car lorsqu’on répond aux besoins des collectivités, l’industrie peut prospérer au lieu de se disputer avec les Canadiens.
Je vous invite à appuyer cette motion afin que nous puissions offrir au gouvernement fédéral et à tous les Canadiens une étude réfléchie et objective sur le développement et l’extraction des ressources. Merci, meegwetch.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)
(1830)
Affaires étrangères et commerce international
Autorisation au comité d’étudier le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada
L’honorable Peter M. Boehm, conformément au préavis donné le 10 février 2022, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada, et d’autres questions connexes;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 mars 2023, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité d’étudier les nouvelles questions liées à son mandat et les lettres de mandat ministérielles
L’honorable Paul J. Massicotte, conformément au préavis donné le 10 février 2022, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, de nouvelles questions concernant son mandat :
a) la situation actuelle et l’orientation future des ressources énergétiques du Canada sur les plans de la production, de la distribution, de la consommation, du commerce, de la sécurité et de la durabilité;
b) les défis environnementaux des Canadiens et Canadiennes, y compris les décisions et les adaptations concernant le changement climatique mondial, la pollution, la biodiversité, l’intégrité écologique, et les effets cumulatifs sur l’environnement de l’exploitation de l’énergie et des ressources naturelles;
c) la gestion et l’exploitation durables des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, dont l’eau, les minéraux, les sols, la flore et la faune;
d) les solutions pour atteindre la carboneutralité et les moyens pour aborder les impacts humains et environnementaux du changement climatique et de gérer la transition vers une économie à faible émission de carbone;
e) les possibilités et les défis pour les femmes, les peuples autochtones, les Noirs et les Canadiens racialisés, les nouveaux arrivants, les personnes handicapées, la population canadienne des communautés LGBTQ2, et autres personnes vulnérables, dans les secteurs de l’environnement, de l’énergie et des ressources naturelles;
f) les obligations du Canada issues de traités internationaux touchant l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles, et leur incidence sur le développement économique et social du Canada;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2025 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Les emplois de la fonction publique fédérale
Interpellation—Ajournement du débat
L’honorable Percy E. Downe, ayant donné préavis le 9 décembre 2021 :
Qu’il attirera l’attention du Sénat sur :
a)L’importance du gouvernement fédéral à titre de plus gros employeur du Canada, puisqu’il compte plus de 230 000 civils à son service;
b)Le fait que, bien que tout le monde comprenne qu’une grande proportion des employés fédéraux travaillent dans la capitale nationale, une tendance s’est développée au cours des dernières années, qui fait en sorte que la répartition des emplois entre Ottawa et les régions est de plus en plus disproportionnée en faveur de la région de la capitale nationale;
c)Le rôle du Sénat dans l’examen et la discussion des possibilités de décentraliser les emplois et les services fédéraux, et à exhorter le gouvernement du Canada à rétablir la répartition historique des emplois, c’est-à-dire un tiers dans la région de la capitale nationale et deux tiers dans le reste du pays, contribuant ainsi à la croissance économique et à la stabilité des régions du Canada.
— Honorables sénateurs, puisque je suis le dernier à prendre la parole selon ce qui est prévu au Feuilleton, j’aimerais saisir cette occasion pour aborder brièvement la décentralisation des ministères fédéraux à l’échelle du Canada parce que je pourrais ne pas avoir la possibilité de le refaire avant un certain nombre de semaines. En fait, le message porte sur l’éventuel redécoupage de la répartition des emplois des ministères fédéraux à l’échelle du pays, comme cela a été fait à l’Île-du-Prince-Édouard, afin que les autres provinces et territoires puissent en tirer des avantages.
Honorables collègues, le gouvernement du Canada est le plus gros employeur au pays. Sans compter le personnel des Forces armées canadiennes et de la GRC, plus de 246 000 Canadiens sont à l’emploi du gouvernement fédéral. De l’Arctique au Pacifique, jusqu’à l’Extrême-Arctique, les fonctionnaires fédéraux sont répartis d’un bout à l’autre du pays pour accomplir les tâches sur lesquelles repose le fonctionnement de notre nation.
Cela dit, la répartition des fonctionnaires fédéraux est considérablement moins étendue à l’échelle du pays qu’elle ne l’a déjà été par le passé. Sans aucune surprise, la plus grande proportion de ces employés se retrouve dans la région d’Ottawa, dont un grand nombre sont à un jet de pierre de la Colline du Parlement. C’est compréhensible. Personne ne se surprendra que la région de la capitale nationale compte un grand nombre de fonctionnaires fédéraux.
Toutefois, les autres régions du Canada réparties dans les diverses provinces accordent aussi une grande valeur à cette main‑d’œuvre bien rémunérée et stable que sont les employés du gouvernement fédéral. Une telle main-d’œuvre peut fournir les assises qui peuvent aider une économie régionale à se développer. D’ailleurs, cela a été le cas pour Ottawa et la région de la capitale nationale.
Malheureusement, les retombées économiques de ces emplois ne se répartissent pas aussi équitablement qu’auparavant. Traditionnellement, le tiers des postes de la fonction publique fédérale se trouvaient dans la région d’Ottawa. Les deux autres tiers étaient distribués dans le reste du Canada. Selon les statistiques, toutefois, cette proportion évolue en faveur de la région de la capitale nationale. L’an dernier, 47 % de ces postes étaient situés dans la région d’Ottawa. Donc, au lieu du tiers, nous en sommes maintenant à près de la moitié.
Cette évolution se fait aux dépens des régions. De 2008 à 2021, l’effectif de la fonction publique fédéral a connu, par exemple, une augmentation nette de plus de 46 000 employés. Or, plus de 30 000 de ces postes, soit presque les deux tiers, se trouvent dans la région de la capitale nationale.
Il en découle deux problèmes pour la population des régions du Canada. Le premier, c’est que les retombées économiques des effectifs fédéraux sont concentrées, comme les postes eux-mêmes, dans une seule région du pays. Toutes les régions du Canada devraient profiter de cette prospérité et d’emplois régionaux, surtout les jeunes qui commencent leur carrière.
Le meilleur exemple des résultats bénéfiques de la décentralisation des emplois gouvernementaux a été la relocalisation, en 1976, de l’administration centrale d’Anciens Combattants Canada à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard. Cette décision prise il y a des décennies a vraiment été un coup de chance pour cette province. Anciens Combattants Canada est le seul ministère fédéral dont l’administration centrale n’est pas située dans la région d’Ottawa. Cette décision prise il y a longtemps de déplacer Anciens combattants Canada dans une autre province a eu des effets profonds et durables, tant sur les plans social qu’économique, pour l’Île-du-Prince-Édouard. Le ministère y emploie actuellement quelque 1 600 personnes, ce qui représente une masse salariale annuelle de 122 millions de dollars. Ces employés achètent des véhicules, des maisons et divers biens et services de la vie courante. N’eût été cette décision prise il y a 45 ans, ce sont donc 122 millions de dollars qui ne circuleraient pas chaque année dans l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard.
Évidemment, une économie saine ne repose pas uniquement sur les emplois du gouvernement fédéral. Un véritable développement économique passe obligatoirement par une économie équilibrée qui respecte et accueille le rôle d’un secteur privé robuste, lequel investit le temps et l’argent nécessaires pour créer les emplois qui permettront de garder les Canadiens chez eux, occupés à y bâtir leur avenir.
Cela dit, le gouvernement a un rôle important à jouer dans le maintien d’une économie équilibrée. Des centaines de milliers d’emplois fédéraux et le pouvoir d’achat qu’ils représentent font du gouvernement un acheteur important dans l’économie canadienne. La répartition géographique de ces emplois au Canada a une incidence majeure sur les économies régionales. Il nous incombe, par conséquent, à nous et au gouvernement de veiller à ce que cette distribution soit juste.
Chers collègues, en plus de sa contribution à l’économie de l’Île‑du-Prince-Édouard, la présence d’Anciens Combattants Canada a apporté énormément sur le plan social. Anciens Combattants Canada a enrichi la société prince-édouardienne, qui compte, grâce au ministère, des fonctionnaires professionnels hautement qualifiés qui contribuent pendant leurs journées de travail aux affaires publiques, et pendant leurs soirées et leurs fins de semaine, à la vie sociale de l’Île. Une des nombreuses retombées positives de la relocalisation d’Anciens Combattants Canada à Charlottetown est l’augmentation remarquable de la popularité du français comme langue d’usage. L’Île-du-Prince-Édouard a toujours compté une communauté acadienne dynamique, mais la présence d’Anciens Combattants Canada a accru le rôle de la langue française.
Selon Statistique Canada, les Prince-Édouardiens constituent la troisième population la plus bilingue anglais-français, après celles du Québec et du Nouveau-Brunswick. La force de la communauté acadienne a indubitablement joué un rôle dans le niveau de bilinguisme, mais le facteur le plus important dans la croissance de la langue française à l’Île-du-Prince-Édouard dans les 40 dernières années est la présence d’Anciens Combattants Canada.
On ne peut pas parler de décentralisation sans parler des deux dernières années. La pandémie a eu une incidence sur chaque aspect de notre vie, et elle a profondément transformé la façon de travailler de nombreux Canadiens. À titre d’exemple, l’une des principales entreprises du pays, Shopify, qui avait un bureau près d’ici, sur la rue Elgin, a changé son mode de fonctionnement pour que ses employés soient le plus possible en télétravail. La technologie facilite ce changement. Il y a cinq ans, le gouvernement du Canada a lui-même indiqué, dans la réponse à une question écrite, qu’avec les messages vidéo et les courriels, on disposait de plusieurs façons de maintenir des communications instantanées et à distance entre les bureaux. C’était bien avant qu’on entende parler de Zoom et de MS Teams. Chers collègues, tout cela est faisable.
Il faut se demander pourquoi le ministère des Pêches et des Océans, qui compte quelque 1500 employés, a des centaines d’employés dans une tour de la rue Kent, au centre-ville d’Ottawa, plutôt qu’au centre-ville de Sydney au Cap-Breton, par exemple. Pourquoi le ministère fédéral de l’Agriculture est-il établi à Ottawa plutôt qu’en Saskatchewan? Pourquoi le ministère de l’Environnement est-il à Gatineau plutôt qu’à Terre-Neuve-et-Labrador? Étant donné l’augmentation du commerce avec l’Asie, pourquoi les bureaux d’Exportation et développement Canada se trouvent-ils sur la rue O’Connor plutôt qu’en Colombie-Britannique?
(1840)
Chers collègues, la réinstallation est logique, non seulement comme outil de développement économique, mais aussi parce qu’elle tient compte des enjeux d’une géographie aussi diverse que notre nation. Les Canadiens souhaitent une répartition équitable des postes dans la fonction publique fédérale. Selon la propre logique du gouvernement, il n’y a aucune raison pour qu’un aussi grand nombre de postes se trouvent dans la région de la capitale nationale, à Ottawa. Certaines fonctions peuvent très bien être accomplies dans une autre région du pays.
Une pression soutenue exercée sur le gouvernement, en particulier de la part du Sénat, compte tenu de nos responsabilités à l’endroit des régions, peut favoriser l’atteinte de ce résultat et une répartition des avantages de l’emploi dans la fonction publique dans l’ensemble du Canada. Si nous décentralisons les ministères et les emplois au gouvernement, toutes les régions du Canada pourront bénéficier des mêmes avantages dont profitent les Prince-Édouardiens depuis 40 ans. Je vous remercie, honorables sénateurs.
(Sur la motion de la sénatrice Griffin, le débat est ajourné.)
(À 18 h 41, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 1er mars 2022, à 14 heures.)